Photo du jour le 17 mai 2012

Je suis toujours ému quand je reviens à Rouen,quand je vois l’usine, quand je sens la flamme, mes mains tremblent, mon corps se souvient, ma vue se trouble, le travail était rude, exténuant, horrible, mais je l’aimais, j’aimais cette peur d’y aller, le risque quotidien, parfois minute par minute l’angoisse qui monte, la mort qui rode autour de cette flamme au-dessus de nous, le patron avait beau dire et avait beau promettre le risque zéro, personne n’était dupe et nous étions solidaires, la peur nous soudait au-delà de toute autre considération, alors l’usine et les environs sont moches, alors l’usine est critiqué par tous, même au-delà des écologistes, alors l’usine nous a tous détruit un peu, beaucoup, à la folie, mais nous l’aimions notre usine et nous l’avons défendu maintes et maintes fois, je me souviens de ce piquet de grève où l’on s’est rencontré et aimé pour la première fois, et maintenant j’apprends qu’elle doit fermer pour des raisons financières et je suis écoeuré, je viens pour me battre, je viens pour ne pas sombrer à nouveau dans la folie, je viens pour essayer d’oublier et tourner la page d’un passé resté tapi au creux de l’estomac.

d’après une photo de @monnalisa, photo du jour le 17 mai 2012 sur Webstagram

les mots mauvais crispent

D’une furieuse inconsistance
les mots mauvais crispent
étouffant l’air de leurs mains
plus violemment qu’une injure.

(journal des mots n°81 / 13 mai 2012)

la mort de l’ange

L’ange se croit devenu fou
les sons décousus s’amusent avec son esprit
c’est trop tôt
des harmonies stridulantes lui donnent le tournis
un faux calme se moque de lui avec ironie
l’ange est perdu,
c’est trop tôt
la musique ne peut pas s’arrêter
c’est trop tôt
impossible de s’enfuir
la mort vient juste
de lui sourire

d’après le morceau Muerte del Angel d’Astor Piazzolla


les mots se noient dans le brouhaha

Disséqués par la banalité
les mots se noient dans un brouhaha
tellement vidés de leur essence
qu’ils sont incapables d’exploser pour nous.

(journal des mots n°79 / 10 mai 2012)

je suis le Sud

Sur un air de bandonéon
on s’est embrassé pour la première fois
et pourtant nous a saisis
la nostalgie d’un amour qui prend fin
la peur d’un soleil qui ne se lèvera plus
dans le Sud de notre enfance
et pourtant on revient toujours
à ses premiers amours
cette tristesse des vies inabouties
comment quitter l’insouciance du Sud
et pourtant ton corps reste imprimé en moi
l’amour a le goût de ta bouche
comme une mélodie lancinante
infiniment triste
et pourtant on revient toujours dans le Sud.

d’après le morceau Vuelvo al Sur d’ Astor Piazzola, chanté par Roberto Goyeneche

les mots dansent lentement

Enveloppé par la voix
les mots dansent lentement
l’émotion qui envahit
la joie gagne sur l’incertitude

(journal des mots n°78 / 9 mai 2012)

les mots font des catastrophes

Trop longtemps oubliés
les mots font des catastrophes
quand insensibles à la caresse
ils ne savent plus rêver les corps

(journal des mots n°77 / 8 mai 2012)

le souffle continu

Doux délire qui strie jusqu’à la pierre
avec une infini lenteur
je perds mes repères
se volatiliser dans l’écho
aucune souffrance
à peine ce petit mal être
qui s’accroche à la mélodie
impossible de saisir
le souffle continu

d’après le morceau Oblivion d’Astor Piazzolla, interprété par Gidon Kremer

les mots se raturent

A la recherche de soi
les mots se raturent
esquissant par trop de creux
un portrait en renoncement.

(journal des mots n°76 / 5 mai 2012)