tu étais comme une plume

Photo du Jour 7 mars 2013

Déjà tu voulais t’envoler, ton écharpe donnait la mesure, je te sentais si légère ces derniers temps, insaisissable et ailleurs, tu n’arrivais plus à te concentrer que quelques secondes, tu riais sans raison à un détail invisible ou insignifiant, tu étais comme une plume qui ne sait pas où se poser et qui change sans arrêt au gré du vent, ce jour là j’ai cru que tu allais disparaître dans les airs avec ton écharpe, juste le temps d’une respiration et tu aurais disparu, plus cela allait plus tu devenais un courant d’air qui ne fait que tourbillonner plus ou moins vite autour de nous, jusqu’à ce matin où je ne t’ai plus vu nulle part, où je ne t’ai plus trouvée nulle part, où je n’ai plus sentis le moindre souffle qui pourrait te ressembler, depuis je me demande si tu as été plus qu’un mystère dans ma vie.

d’après la photo du jour le 7 mars 2013 de @randomlyeuphoric élue sur instagram

quand le tourbillon est parti j’ai su ce qui manquait

Chapeaux

Longtemps je me suis assis au milieu des chapeaux, et dès qu’il y avait du soleil je sortais prendre l’air, attendre le chaland, quand j’étais fatigué alors je prenais une chaise et je me posais au milieu de chapeaux,

j’avais repéré que c’était l’endroit stratégique pour voir ces dames faire leurs essayages, ni trop proche pour les gêner, ni trop loin afin de les encourager et de leur faire les compliments qui vont bien, souvent quand il ne se passait rien je me laissais aller à ma tristesse,

difficile de dire ce qui me manquait, vu de l’extérieur tout allait bien et la vie s’écoulait doucement dans une ville paradisiaque au bord de la Méditerranée, je ne manquais pas d’amis et nous prenions du bon temps, la boutique m’accaparait, entre les ouvertures et les approvisionnements j’étais très occupé,

dès qu’il y avait un interstice de libre, je me sentais triste, parfois jusqu’au larmes, tout était lisse, calme et sans relief, ma vie n’était pas morne non, je dirais plutôt atone, jusqu’au jour où cette petite fille est sortie de nulle part pour danser devant la glace de ma boutique,

selon les chapeaux sa chorégraphie changeait et à chaque fois elle jetait un coup d’oeil très rapide dans ma direction à la fois pour avoir mon avis et pour savoir si elle avait le droit, mon sourire n’a fait que l’encourager, chaque jour j’espérais plus et chaque jour je souriais,

et puis quand le tourbillon est parti j’ai su ce qui manquait, l’insouciance, cette folie qui nous fait oublier l’avenir, la petite fille est revenue plusieurs fois parfaire sa leçon et j’ai finis par lui offrir un chapeau,

longtemps je me suis assis au milieu des chapeaux et jamais je n’ai oublié ses pas de danse, maintenant qu’il ne me reste plus que les yeux et la tête pour rêver je ne me lasse pas de cette photo.

Blanc vitrail

Conques

J’ai peur de sortir, mes mains sont rouges et tout m’accuse, dehors ils sont tous hostiles, même si je suis en paix maintenant, à l’abri de l’enveloppe ouatée de ce vitrail, de sa tension blanche qui apaise et redonne le sourire, les évènements se sont précipités à une vitesse incroyable, les mots sont gravés dans la mémoire de certains, les gestes ont fait mal, mais ce n’est pas ce que je voulais au tréfond de moi, ce n’est pas moi, quelqu’un a-t-il voulu me piéger, ils me détestent tous, ou presque, je ne saurais pas quoi dire, je n’ai rien à dire, ici je suis bien, ce blanc repose, l’esprit peut prendre de la hauteur et s’évader dans les méandres de l’église, la finesse de ces arabesques détricote le bouillonnement intérieur, je ne cherche plus à comprendre, je ne cherche plus à savoir la vérité, ici je ne me sens pas coupable mais juste moi sans faux semblants, ici je suis prêt à attendre l’éternité que tout se règle par soi-même à l’extérieur, si je pouvais ne pas sortir, si je pouvais ne pas être déranger, si la rumeur pouvait disparaître, si l’angoisse pouvoir s’évanouir, si tout cela pouvait ne pas avoir eu lieu et si je pouvais juste écouter la bruit du vent, le chuintement de l’hiver dans cette église, alors je ne quitterais plus jamais Conques, mon pèlerinage prendrait fin.

 

Au détour d’un foulard, j’ai perdu sa trace

Linge au Rajasthan

Il y a longtemps que j’ai perdu sa trace… la femme aux yeux amandes. Notre rencontre s’est faite autour d’une robe qu’on accroche pour la faire sécher. Prétexte pour l’aborder, son visage métis brillait intensément sur le fond bleu des façades. Sa voix étrangement dissonante me fait toujours rêver comme une mélopée lancinante, inoubliable, insaisissable.

Mes compliments l’on fait rougir et s’enfuir à pas légers dans le dédale de ce quartier à l’écart du tourisme.

J’ai encore comme souvenir ce foulard orage perdu dans sa fuite. Au détour d’une ruelle, elle avait disparu… juste ce foulard au sol. J’ai beau le caresser, lui parler doucement ou le menacer, aucun génie n’apparaît pour me conduire à elle. Même cette photo reste insensible à mes œillades.

le visage sur la pierre

VisageDePierre

Ce visage en pierre ne m’est pas apparu en rêve, j’avais l’impression de le caresser sur ce mur, il lui manquait juste des contours et de la couleur, chaque jour j’hésitais, j’avais peur, j’avais peur qu’on se moque, j’avais peur d’attirer l’attention, j’avais aussi peur d’être déçu par mon dessin, car chaque soir j’essayais d’affiner ce visage mais les contours s’effaçaient dans ma tête et le flou l’emportait toujours, alors je ne pouvais plus me dérober, j’achetais les crayons gras et une nuit je suis venu la dessiner, je n’avais pas besoin de lumière, à partir des reliefs du mur le visage s’est matérialisé peu à peu, les noctambules ne faisaient pas attention à moi, j’étais déjà un fantôme et quand tout fut finis, je suis repartis sans regarder et j’ai attendu le lendemain, mon retour du travail, pour passer devant et la découvrir, depuis je souris tout le temps même si ce dessin éphémère n’en a plus pour longtemps, comme moi .

Photo du jour le 7 septembre 2012

Dans ce atmosphère de fin d’été, je regarde mes enfants jouer au loin sur la passerelle, je me sens étonnamment calme, je n’ai plus peur pour eux, il y a quelque temps je n’aurais pas supporté qu’ils soient si loin, qu’ils jouent en hauteur, qu’ils ne m’écoutent pas, je leur en aurait voulu pour cette insouciance, cette joie d’être au monde, ces rires sans raison, ma seule obsession aurait été de le protéger de tous les dangers, j’aurais envisagé les pires scénarios et même j’aurais inventé des risques potentiels, l’essentiel aurait été qu’il soit tout prêt de moi et le plus calme possible sans être inactifs afin de neutraliser mes pensées les plus sombres, maintenant qu’il pleut des étoiles dans ma tête, je souris et je me sens heureuse de les voir vivre, je somnole dans l’herbe sans inquiétude car nous sommes plusieurs à les surveiller du coin de l’oeil, la journée s’est passée en douceur autour de cette ballade et du pique-nique, tout à l’heure quand je serais moins fatiguée j’irais les rejoindre pour m’amuser avec eux et les prendre dans mes bras, on regardera ensemble le Soleil se coucher et disparaître.

photo du jour de @jn sur instagram le 7 septembre 2012

Photo du jour le 1er novembre: trop parfait

Visage de mannequin dans une vitrine

Trop parfait, ce visage dans la vitrine, trop parfait, si beau de loin, si attirant, ce regard étrange, glacial mais mélancolique, comme cherchant de la compagnie, de loin, si beau, je devine une élégance tout en sobriété caché par la vitrine, je me sens intrigué, attiré, aimanté, et pourtant angoissé, trop parfait, si beau de loin, comme figé dans une tristesse inconsolable mais fier, la beauté plastique des mannequins sans la frime que je sens souvent dans leur fausse nonchalance, je lui souris et je m’approche, il ne m’a pas vu, si beau, si absent, il reste immobile et glacial, comme loin de moi, de nous, du monde, la ville tente désespérément de s’imprimer en lui mais rien n’y fait, ce regard étrange, il est absent, il est indifférent, ce crâne rasé le rend encore plus touchant, maladie ou volonté d’imposer son visage brut et fort, si parfait que j’ai peur de me brûler si je viens plus près, alors je prends cette photo de loin pour garder quelques temps une trace de cette beauté inconsolable.

Photo du 23 septembre 2012: le funambule

Le Funambule

Il me fallait ce moment de légèreté, impérativement, le seul de la semaine, la plage, la mer, le sable sous les pieds, le vent sur le torse, l’apaisement de la nage, tout cela ne suffisait pas à oublier, un quotidien vide de sensations, depuis longtemps je voulais m’élever sur un fil pour me sentir léger et tromper l’ombre des jours malheureux, j’ai appris grâce à un circassien de passage, il a dit être épaté par ma volonté d’apprendre et par la rapidité avec laquelle j’avais saisis l’essentiel, une fois parti j’avais persévéré et me voici maintenant suffisamment à l’aise pour rester plusieurs minutes au-dessus du sol, être funambule, et là, je ne pense plus à rien, je me sens souffle d’air, je m’absente du monde, je le regarde avec un tel détachement que j’ai l’impression de ne plus en faire partir, je suis léger et hors du temps pendant ces quelques pas au-dessus du vide, je m’imagine grain de sable qui s’envole et disparaît.

 

Photo du jour le 24 août 2012: le coucher de soleil

Cela aura pu être la fin des vacances, si seulement elles avaient commencé, je venais de ramasser des kilos de fruits de mer pour les touristes, je faisais semblant d’être le roi du pétrole, d’être un oiseau qui s’envole, d’être comme tout le monde, en vacances, le coucher du soleil ne me faisait pas rêver, c’était le signal m’imposant de rentrer chez moi, je n’avais pas le droit de traîner en route, de jouer sur la plage, de parler à quelqu’un, je devais rentrer fissa point barre et sans oublier la paie, papa refaisait les comptes toute de suite en arrivant, il ne devait rien manquer sinon c’était la rouste illico presto, il n’y allait pas de main morte, puis papa partait, me laissant seul avec maman prostrée dans un coin, cela faisait des années qu’elle ne disait plus un mot, qu’elle fixait le sol, aucune expression sur son visage, je devais la forcer à manger, faire le ménage, me laver et il ne me restait plus qu’à me coucher, ce soir j’avais une pépite à savourer juste avant de m’endormir, revoir le coucher de soleil et le sourire de la petite fille que j’avais croisé tout à l’heure.

d’après la photo du jour le 24 août 2012 par @coro_coro et @luka04 sur Webstagram

Photo du jour le 1er juillet 2012: les flammes de l’été

Même si l’hésitation n’est plus de mise, tout concoure à me faire regretter -un peu- de quitter Paris, les amis qui ne cessent de m’inviter à dîner, les rues qui deviennent vivables en cette période estivale, le coucher de soleil sur la tour Eiffel que je suis en train de dessiner, il y a aussi le sourire de cette jolie femme, mon appartement grand et pratique, les épiceries du quartier, mais je me sens piégé, pris dans la nasse de cette vie frénétique, grisante, enivrante malgré tout mes efforts je suis emporté par le futile, les tentations et les relations sociales si faciles, je n’arrive pas à finir mes projets de bandes-dessinées, et puis le présent est trop éprouvant, je n’arrive plus à trouver ce brin de légèreté pour supporter telle ou telle contrainte, je ne sais plus attraper ce grain de folie qui me fait aimer mon métier, qui me permet de créer toutes ces histoires, qui fait que je me sens exister, et quand respirer devient difficile, quand être soi-même devient un effort, quand se perdre dans le mensonge des autres nous guette, alors il faut partir, suivre les flammes de l’été, celles que j’ai esquissées au-dessus de la tour Eiffel.

d’après la photo du jour le 1er juillet 2012 par @petrichor218_gi sur Webstagram