Ne pas attendre l’évanouissement
les mots s’apaisent
la phrase s’étire avant l’oubli
écouter s’enfuir le vent.
(Journal des mots, 17 septembre 2019)
île de mots…
Ne pas attendre l’évanouissement
les mots s’apaisent
la phrase s’étire avant l’oubli
écouter s’enfuir le vent.
(Journal des mots, 17 septembre 2019)
Il avait oublié de fermer sa fenêtre à la tombée de la nuit la plupart du temps ce n’est pas gênant il faut vérifier si un scolopendre ou autre petite bestiole n’est pas venu se glisser dans le lit ou au pied du bureau la c’est l’invasion biannuelle des fourmis volantes il a le cerveau tétanisé les poumons se serrent la respiration devient sifflante il doit vite trouver son inhalateur il se sent envahi de partout la fenêtre se ferme sur la troupeau d’immeubles il doit maintenant réviser ses partiels l’appartement est suffisamment aéré il va dans l’autre pièce sans fenêtre où il a installé son bureau justement pour pouvoir se concentrer plus facilement il regarde le ciel bleu layette juste avant le couché de soleil à droite de son ordinateur il cherche l’inspiration pour son poème en cours d’écriture il se sent pénétré par la douceur du ciel la fraicheur du thé vert encore dans sa bouche enveloppe son matin d’hiver ce dimanche si paisible où la neige n’est pas encore tombée il sait que le cimetière se cache juste derrière l’arbre il le voit en hiver quand les feuilles sont tombées il repense à ses parents morts à quelques mois d’intervalles très vite sans signes avant coureur il ouvre les yeux en pensant à la mer caraïbes si proche qu’il pourrait presque entendre le ressac dans sa chambre il a son cours de voile cet après-midi il attend avec impatience le moment où le vent sur sa peau guidera sa navigation et les réglages de son dériveur sa respiration apaisée grâce au médicament il détruit méthodiquement les fourmis volantes et celles qui ont déjà perdues leurs ailes il sait qu’il ne pourra pas s’endormir tant qu’il ne sera pas sûr des les avoir toutes éradiquées il allume sa plaque électrique pour faire chauffer sa soupe en sachet il faut déjà nuit dehors et il se sent seul il entend vaguement le bruit des autres locataires chacun de sa chambre chacun dans sa bulle il vient de finir de relire Les Frères Karamazov il doit maintenant écrire sa dissertation dont il n’a pas encore compris le sujet il allume la télé pour regarder Nulle part ailleurs et s’amuser un peu avant de passer une partie de la nuit à écrire sur Dostoïevski enfin allongé dans son petit lit en bois il est soulagé de s’être débarrasser des fourmis il espère que le sommeil viendra vite il espère un nuit sans cauchemar soudain sans savoir d’où lui vient cette interrogation il commence à se demander pourquoi il vit pourquoi il vit ici maintenant pourquoi il est là et pas ailleurs ce matin l’arbre est nu et il ne cache plus le cimetière vide personne il n’aime pas les cimetières il y va juste pour les enterrements pour soutenir les vivants il entend passé une voiture dans la rue principale du lotissement il aime ce bruit qui augmente puis diminue sorte de parenthèse dans le joyeux silence
Un soir d’été alanguis l’un à coté de l’autre trop chaud douceur des caresses chercher la bonne musique paresser en écoutant Bashung vertige draps froissés finir de s’embrasser chercher un peu de fraîcheur écouter la respiration de l’autre mélanger nos doigts ce petit souffle dans le cou « à l’arrière de l’auto » riff de guitare violon accordéon l’accord emporte un nouveau rêve demi-sommeil qui attend respirer le nez soudain dans les cheveux « hennir » la fraîcheur ne vient toujours pas impossible de dormir pourtant les yeux se ferment attendre sans savoir quoi bercer par la musique lancinante de Bashung sa tête contre ma poitrine et ne pas en vouloir plus pause soyeuse si la musique s’arrête peut être dormir entre deux rêves éveillés douceurs des mains sur elle ses mains sur moi « vertige de l’amour » se décider à couper la musique au morceau suivant encore encore les respirations se sont soudain emportées enfin la brise un soupçon de fraîcheur avoir le goût de tout plein la bouche se frôler à peine éteindre la musique entre rêve et sommeil les mains continuent de se balader respirations de plus en plus calmes la brise fraîche se renforce dormir dormir emporter par les moments doux la ritournelle de Bashung en boucle dans la tête
Dans un froissement de page
les mots sont des étoiles filantes
rêves d’ailleurs
que ton coeur écoute.
(Journal des mots 4 août 2019)
Quel enfant joyeux, joyeux et virevoltant sans cesse dans la maison, il était infatigable, sa nounou n’arrivait pas à l’arrêté et il me piétinait lourdement mais sans malice, avec plutôt une forme d’avidité à explorer le monde qui l’entourait, partir écouter le moindre bruit dans une autre pièce, dès le matin, je le reconnaissais avec ses pieds en V sur moi, les autres membres de la famille avaient une forme de pas sérieuse car les deux pieds strictement parallèle, aucune fantaisie perceptible à ce stade, c’est pourquoi j’ai été pris de court et bouleversé quand le petit enfant est tombé sans crier gare et s’est ouvert le menton sur un seuil de porte mal fixé, le sang a coulé sur moi, je n’avais jamais vu rouge avant, la poussière, l’eau, le sable, les insectes, les meubles, les chats affalés, les chaussures retournées, le cul de la poubelle, des corps nus et excités, le cartable d’école, le livre abandonné ou le goût du coca autour d’un verre brisé, tout cela m’était à peu prêt familier mais le sang, c’était ma première fois, j’ai tout de suite détesté à cause des pleurs de l’enfant et des hurlements de la nounou, le sang pour ma part, je n’y prendrais pas goût.
Dans ce coin de la maison, la chaleur ne m’atteins pas, mon carrelage reste frais, le chat vient s’affaler de tout son long sur moi, les pieds nus s’attardent, parfois une peau nu s’allonge avec une protubérance en plein milieu tout du long, le dos, puis le surface de peau change quand je me suis réchauffé à son contact, moins large et plus discontinue, le poids est aussi moins homogène, un soupir d’aise vient parfois et j’entends aussi un bruit régulier avec comme un petit vent sur moi, très fort au milieu de la pièce et quasiment imperceptible ailleurs, quand c’est comme cela je reste dans le noir très longtemps, j’aperçois à peine le ciel, parfois un bout de Lune, la nuit quand les volets sont entrebâillées, au petit matin je me sens parfois frigorifié et tendu sans trop savoir pourquoi, quand les premiers pieds me foulent cela va tout de suite mieux, leur passage me réchauffe et tous mes carreaux se détendent en cascade, l’autre jour une bestiole étrange est venue se déposer sur moi, c’est à peine si j’ai senti quelque chose, comme un tout petit courant d’air, c’est quand j’ai entendu des exclamations que je me suis un peu concentré, ils ont dit papillon, mystère.
Ce que je préfère, c’est le massage des vagues la nuit, aucune autre perturbation, le vent fort lui m’affole et me bouleverse en dispersant mes grains de sable à tout va, au petit matin je frissonne sous les pattes des crabes, j’essaie vainement de comprendre si leur trajet m’envoie un message, et puis je tremble à l’arrivée des voitures et des hommes qui en sortent, petits ou grands, ils n’ont de cesse de courir vers la mer, observer les pieds de tout forme me distrait un moment puis je me lasse de ces va et vient perpétuels sans autre logique que d’alterner plongeons et bronzages, le pire vient des enfants qui me triturent, me creusent ou me sculptent, je n’en peux plus des châteaux de sable et autres digues, des mots d’amour et autres kyrielles de prénoms… en revanche, j’attends avec impatience et je me passionne pour les jeux de ballons divers et variés, j’admire l’adresse et la dextérité dont je ne suis pas capable, je suis jaloux des rire et des connivences que cela créent entre joueurs, moi désespérément immobile, soumis aux aléas des courants marins et du vent, que j’aimerais pouvoir virevolter, danser, me jeter par terre, tourbillonner au sol et enchaîner figures ou cabrioles, parfois en fin de journée quand le calme revient, je me sens lourd et inutile, encore plus insignifiant que tous les rochers qui m’entourent.
Une petite étincelle suffit et
la fureur des mots indociles
déchaina la ferveur des amants
l’instant d’avant la coulée de lave.
(Journal des mots 2 août 2019)
Ne le dites à personne
les mots ont un seul caprice
se délecter de leur résonance
écho dans l’air
et dévastation dans nos pensées.
(Journal des mots 19 juillet)
Être bronzé
à la lueur des mots
la phrase rougit d’être prise
pour un poème facile.
(Journal des mots 26 mai 2019)
Quand la bise d’été vient, le rêveur s’installe sur le banc près du frangipanier. Il pose sa main sur la terre du pot, les fleurs blanches semblent surgir de nulle part avec leur parfum. Quelques phrases se déposent sur le petit carnet à la couverture ocre. Lisser le banc. Attendre le point du jour en fixant les feuilles qui dodelinent, tentative de séduction, face aux nuages indifférents qui passent et repassent un ciel sans plis. Attendre le chat qui viendra se faire caresser quelques minutes à l’ombre du réverbère. Les fleurs blanches auront disparu comme effrayées par la jour. Attendre que la haie se taise à l’arrivée des rayons du soleil. Ce silence du matin. Finir son thé au gingembre avant de se lever pour laisser son ombre dormir tranquille.
(5 mai 2019)
Poussières de pensées
les mots sont des étoiles
déposant sur nos phrases
des rêves inachevés.
(Journal des mots 18 mai 2019)