Crêperie en famille?


1/Assis à ma table, je vois bien la tablée composée de deux femmes de plus de 50 ans, un garçon d’environ 7 ans, et deux adolescentes d’une douzaine d’année. Les deux femmes sont face à face d’un coté, le garçon est au milieu et les deux adolescentes face à face de l’autre. Ces dernières sont chacune rivée à leur portable et vu les mouvements de doigts, elle échangent frénétiquement des messages avec leurs copines ou petits copains. Le garçon s’ennuie un peu au milieu et chipote dans son assiette de crêpe pendant que les deux femmes sont en conversation intime. Elles échangent sur des soucis personnels, l’infidélité d’un des maris ou une opération grave de l’autre à moins que cela soit plus futile comme refaire la décoration de leur maison.

2/ Où alors c’est un couple de lesbiennes qui est de sorti avec la famille recomposée, l’une a eu une fille et le garçon, la seconde fille est une amie dont les parents sont en week-end et qu’elles gardent. Deux bourgeoises qui ont assumé tard leur orientation sexuelle et qui maintenant s’affichent à tout va sans aucune retenue. La garçon est mal à l’aise dans cette situation et cela explique qu’il pique sa crise de nerf. Gênées, les deux filles partent en premier et les deux femmes finissent par céder au caprice du garçon et fuient le restaurant.

3/ Les deux femmes sont au restaurant pour laisser leurs maris animer l’enterrement de vie de garçon de leur meilleur pote. Elles se connaissent mal et ne savent pas trop quoi se dire dans cette crêperie, tout comme les deux adolescentes qui préfèrent échanger des messages avec leurs vrais copains/copines que faire connaissance. Du coup, la conversation est décousue entre des silences gênées et des questions polies sur les résultats scolaires, les dernières vacances ou la qualité des légumes qui, même en bio, n’ont plus aucun goût. Le jeune garçon contribue à plomber l’ambiance grâce à des caprices successifs, la mère subit les regards réprobateurs de la tablée, des autres clients et de la serveuse. Au bout du malaise, les jeunes filles sortent en premier alors que le repas tourne court et que les deux mères passent à la caisse.

4/ A part d’infimes petits signes de nervosité, rien ne laisse supposer que ces deux femmes vont bientôt se débarrasser de leurs maris, dans une sorte de crime parfait où ils s’entretuent sans qu’on ne puisse jamais les soupçonner. Profitant du coté impulsif et colérique de l’un et de la jalousie maladive de l’autre, le scénario bien ficelé doit bientôt porter ses fruits. Sentant peut être quelque chose d’anormal, le jeune garçon montre ce soir une facette capricieuse de lui-même. Les deux adolescentes poursuivent quant à elles leurs vies parallèle sur les messageries et les réseaux sociaux, pour chacune le choc s’annonce terrible car elles sont en adoration pour leurs pères!

5/ Tentative avortée de tromper l’ennui pour une famille recomposée, renouer autour de leur plat préféré dans cette crêperie pendant que les deux papas s’amusent devant leur match de foot. C’est sûr que les crêpes ne sont pas aussi bonnes que celles de leurs mamies bretonnes. Le petit n’arrive pas à se tenir et les deux filles boudent sur leur téléphone portable. Elles auraient préféré rester tranquille dans leur chambre à tchatter voire envoyer quelques sextos à leur copain. Pour les deux mamans, c’est l’occasion de se laisser porter pendant le repas -luxe de ne pas cuisine!- en lâchant même un peu la bride aux enfants. Elles papotent avec un peu d’insouciance, c’est déjà ça. Elles doivent malgré tout écourter la soirée quand les adolescentes impatientes imposent le retour en sortant dehors.

personnages #4 | imaginer c’est voler dans le cycle vies, visages, situations, personnages de l’atelier en ligne de François Bon

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