Traverser le miroir

Depuis trop longtemps le miroir m’intimide, je reste de l’autre côté du guet, depuis trop longtemps je ne vois plus les couleurs, je me suis évanoui dans la blancheur lisse, depuis trop longtemps j’aime la transparence, j’avance sans points de reflets sur la glace, depuis trop longtemps je suis confortablement invisible, je regarde avec stupeur surgir les aspérités, depuis trop longtemps ces rochers alourdissent mon âme, depuis trop longtemps l’espace est vide, j’entends craqueler la banquise de mon univers, depuis trop longtemps le feu des doutes voudrait que je traverse, depuis trop longtemps je ne veux plus tourner en rond, je marche en découvrant l’écho de mes mots…

d’après la photo ….. du photoblog Chambre noire

deuxième texte d’une série inspiré de ce photoblog

Ombres d’enfance

Les feuilles chantent mes peurs
l’enfance qui panique devant les ombres
elles ne s’envolent pas
reflets coupant qui cachent des monstres
toutes ces menaces repoussées par des cris
le couchée de soleil, c’est l’horizon des incertitudes
soudain n’être plus nulle part ailleurs
qu’avec sa solitude de tout petit enfant
et le silence des silhouettes métalliques

d’après la Photo Shadows du photoblog Chambre noire

premier texte d’une série inspiré de ce photoblog

croire et chercher à croire

croire que la douleur s’évanouie d’une simple pénitence, croire que le désir s’enfuit d’une simple prière, croire que la folie s’envole d’une simple abstinence, croire que la pierre sacrée rayonne de bienfaits, croire que prêcher suffit à effacer les pêchés, croire qu’il faut croire plus que les statues immuables, croire que la foi n’est pas une chaise vide, chercher à croire que ce qui s’envole nous sauvera, chercher à croire que les ombres ont des espoirs, chercher à croire qu’il suffit de chercher, attendre de croire que tout est perdu.

d’après la série La Suite d’Arles (2OO3) de Corinne Mercadier

(fin provisoire de ma série inspirée par les photos de cet artiste)

Carré lunaire

Demain c’est la fin du monde, ou peut-être après demain, nous sommes les derniers hommes, nous avons accomplis notre dernier voyage vers la mer, l’origine du monde, le crépuscule permanent est extraordinairement éclairé par la Lune, nous ne parlons plus, chacun remâche en lui-même sa vie, ses souvenirs du monde disparu et sa peur de mourir, je griffonne ces quelques mots au dos du Polaroïd, ma dernière vanité.

d’après la photo Carré lunaire 1 de la série Longue Distance de Corinne Mercadier

huit envolé

Non, je ne suis pas un ange
Juste un huit qui a un âme
On me croit infini
alors que je voudrais juste
m’envoler
respirer une fois
la vie des cieux
pour ici
transmettre son mystère.

d’après le huit envolé de Corinne Mercadier

(début d’une série inspirée par cette photographe, découverte grâce à Marelle)

Froid horizon

Marcher dans l’horizon froid
Ma vie sans vent s’achève
Herbe desséchée qui attend
Je guette au-delà des formes

La vague blanche est une bouche glacée
Surgissant témoignage de mon errance
qui n’est plus qu’un tremblement

La peur bleue a palit, laissant
libre de toute exclamation
le point final de ma ballade

Ma vue efface progressivement le lointain
Le flou s’enfonce dans mon crâne
déficience menacante de mes facultés
Bientôt, je saurais à peine où je suis

d’après la photo Spaziergang du photoblog i am camera

D’après photo

recommence le regard blasé ballade sa flemme, l’image déstabilise l’indifférence, stupeurs et saisissements, les neurones dissolvent l’idée, la main frémit sur la peau de l’appareil, tourne tourne, tourne, genoux à terre, courses et sauts sur les bancs publics, sur les marches, sur les épaules, l’angle est la tempête du regard, le ravissement de l’intime, capture d’une plénitude quifait sens seulement pour soi, le clic relâche la parenthèse, le monde redevient chewing-gum, le corps laissé haletant tremble déjà des photos révélées dans le bain liquide, l’impatienceà faire battre le coeur, sarabande des rêves à achever

D’après la proposition d’écriture:

Expliquer son rapport à l’acte photographique, cette opération de la photographie, les interrogations qu’elle implique, et dans cette captation du réel, saisir ce qui fait face à l’objectif et le mettre en liaison avec le travail de la langue, dans un texte dont le rythme trépidant de la phrase qui se cherche, sinueuse, envahit l’espace et le révèle.
Plus d’explication et d’autres textes sur marellewiki à la page PhotoPoem

quand la bombe est tombée…

quand la bombe est tombée, je cherchais du sens, je regardais l’agitation, je souffrais d’inutilité, je tendais la main pour vivre, je tendais la main simplement pour attirer leur regard, elle ne regardait pas ailleurs quand l’explosion l’a détruite, l’agitation n’avait pas plus de sens après, j’avais mal, je pleurais, je criais, j’ai regardé ses ruines se creuser sous le feu, le passé s’est enfui dans les flammes, les êtres ont fusionné avec la roche, inutile trace de leur passage, il ne me reste plus mes yeux pour pleurer, la bombe n’a pu effacer les images en moi, celle du ciel nuageux au-dessus des toits, celle de son visage amoureux, celle du mépris de mon frère quand j’ai décidé de tout quitter, j’ai trop de bruits dans ma tête, j’ai trop de ruines dans mon coeur pour oublier, j’ai trop d’images en moi pour accepter la mort, la délivrance s’est enfui comme la vue, maintenant je suis ému, je prends toutes les émotions en plein ventre, le moindre sentiment qui entre à proximité me touche à coeur, la musique chaotique des joies ou la sérénade des tristesses ainsi que le répétitif lamento de l’incertitude bouleverse mes neurones, je suis perdu dans un maelström d’émotions étrangères, et pourtant je dois traverser ces ruines pour toucher au-delà des rochers la certitude des peut-être.

photo sleep du photoblog life inchoate

Pigment

Issue du noir, l’épaisseur bleu cherche une vie, être plus qu’un contraste au rouge, ronger le halo d’ombre pour happer de sa sensualité les rythmes de fuite, s’abstraire du reflet frissonnant, la pierre-glace cligne de l’oeil pour confondre notre désir nu, le rouge-fantasme n’est qu’une fictive amnésie, abstraits traits d’ombres intérieures qui dénient le glacial hors champs, ces sous-entendus rendent brûlant le pigment, cette matière irréelle plus forte que la chair humaine, ne pas se diluer dans le flou chromatique, la couleur s’efface dans le miroir de mon regard, grésillement morbide

Abstraction series I (1 of 7) du photoblog Pygment

Rage de mots

Je cherche la connexion des mots qui brilleront de mille feux,
je cherche la rage des phrases qui changeront les rires
je cherche l’ombre des verbes qui descilleront l’émotion
je cherche l’orage de mots qui défigurera enfin les apparences
je cherche l’or des verbes qui coulera d’un vrai scintillement
je cherche la vie des phrases qui respirera un peu de la fragilité
je cherche l’explosion des verbes qui intimeront le rire au tonnerre
je cherche l’entrelacement des mots qui froisseront l’intimité
je cherche l’abîme des phrases qui s’enfuiront plus loin que les ténèbres
je cherche l’idée des mots qui découvriront la crise joyeuse du voisinage
je cherche la phrase qui n’oubliera rien de son auteur
je cherche le verbe qui ne se brûlera pas que de mots
je cherche le mot qui ne se dénudera que pour la phrase.

d’après la photo neurons du photoblog m.bevers