Carré lunaire

Demain c’est la fin du monde, ou peut-être après demain, nous sommes les derniers hommes, nous avons accomplis notre dernier voyage vers la mer, l’origine du monde, le crépuscule permanent est extraordinairement éclairé par la Lune, nous ne parlons plus, chacun remâche en lui-même sa vie, ses souvenirs du monde disparu et sa peur de mourir, je griffonne ces quelques mots au dos du Polaroïd, ma dernière vanité.

d’après la photo Carré lunaire 1 de la série Longue Distance de Corinne Mercadier

D’après photo

recommence le regard blasé ballade sa flemme, l’image déstabilise l’indifférence, stupeurs et saisissements, les neurones dissolvent l’idée, la main frémit sur la peau de l’appareil, tourne tourne, tourne, genoux à terre, courses et sauts sur les bancs publics, sur les marches, sur les épaules, l’angle est la tempête du regard, le ravissement de l’intime, capture d’une plénitude quifait sens seulement pour soi, le clic relâche la parenthèse, le monde redevient chewing-gum, le corps laissé haletant tremble déjà des photos révélées dans le bain liquide, l’impatienceà faire battre le coeur, sarabande des rêves à achever

D’après la proposition d’écriture:

Expliquer son rapport à l’acte photographique, cette opération de la photographie, les interrogations qu’elle implique, et dans cette captation du réel, saisir ce qui fait face à l’objectif et le mettre en liaison avec le travail de la langue, dans un texte dont le rythme trépidant de la phrase qui se cherche, sinueuse, envahit l’espace et le révèle.
Plus d’explication et d’autres textes sur marellewiki à la page PhotoPoem

quand la bombe est tombée…

quand la bombe est tombée, je cherchais du sens, je regardais l’agitation, je souffrais d’inutilité, je tendais la main pour vivre, je tendais la main simplement pour attirer leur regard, elle ne regardait pas ailleurs quand l’explosion l’a détruite, l’agitation n’avait pas plus de sens après, j’avais mal, je pleurais, je criais, j’ai regardé ses ruines se creuser sous le feu, le passé s’est enfui dans les flammes, les êtres ont fusionné avec la roche, inutile trace de leur passage, il ne me reste plus mes yeux pour pleurer, la bombe n’a pu effacer les images en moi, celle du ciel nuageux au-dessus des toits, celle de son visage amoureux, celle du mépris de mon frère quand j’ai décidé de tout quitter, j’ai trop de bruits dans ma tête, j’ai trop de ruines dans mon coeur pour oublier, j’ai trop d’images en moi pour accepter la mort, la délivrance s’est enfui comme la vue, maintenant je suis ému, je prends toutes les émotions en plein ventre, le moindre sentiment qui entre à proximité me touche à coeur, la musique chaotique des joies ou la sérénade des tristesses ainsi que le répétitif lamento de l’incertitude bouleverse mes neurones, je suis perdu dans un maelström d’émotions étrangères, et pourtant je dois traverser ces ruines pour toucher au-delà des rochers la certitude des peut-être.

photo sleep du photoblog life inchoate

Pigment

Issue du noir, l’épaisseur bleu cherche une vie, être plus qu’un contraste au rouge, ronger le halo d’ombre pour happer de sa sensualité les rythmes de fuite, s’abstraire du reflet frissonnant, la pierre-glace cligne de l’oeil pour confondre notre désir nu, le rouge-fantasme n’est qu’une fictive amnésie, abstraits traits d’ombres intérieures qui dénient le glacial hors champs, ces sous-entendus rendent brûlant le pigment, cette matière irréelle plus forte que la chair humaine, ne pas se diluer dans le flou chromatique, la couleur s’efface dans le miroir de mon regard, grésillement morbide

Abstraction series I (1 of 7) du photoblog Pygment

Marionnette pendue

Le diable est pendu, tel un ange noir quisurplombe nos vies, cette marionnette reste capable de se jouer de nous, elle capte notre folie pour la fossiliser sur un mur, prisonnier de nous-même il faudra la tuer encore et encore pour se libérer perpetuellement de ses démons, chaque fois que l’on croit fuir, la marionnette invoque à dessin nos travers ou d’un rire étranglé s’illumine de nos faiblesses, la garder, la regarder comme temoin aveuglant de notre humaine fragilité.

d’après la photo Hanged Puppet du photoblog A look trough lens

je regarde en haut

Je regarde toujours le ciel, je regarde toujours vers le haut, je ne sais jamais où je vais, je marche et je regarde, je ne suis jamais ébloui, parfois brutalement submergé par la tristesse, par l’ennui ou pire par l’indifférence quand je croise leurs regards, je marche vite, je fuis vers le haut, je deviens feuille d’arbre pour me moquer de la fin des sentiments et attendre l’automne pour, enfin, mourir sans effort, il me suffirait d’attendre un balayeur ou la semelle du requin pour m’enfoncer ad-patres

je marche en rond autour des arbres, j’enflamme de mon regard les plûmes des pigeons, je suis enfermé dans un air torride qui me serre, je respire et pourtant je doute de mon existence, je m’enfuie de la folie, j’entends ses lourdes tennis frapper le sol derrière moi, je ne suis pas fou,

je regarde toujours en haut, je voudrais être un nuage, je voudrais être léger pour m’élever dans un souffle d’air, je pourrais enfin regarder vers le bas, j’observerais les hommes marcher inconscients de la menace, je verrais leurs destins planer comme un vilain doute, je rirais de les entendre fanfaronner si fort sans peur du lendemain, je suis trop fatigué maintenant, je ne me relèverais pas tout de suite, je vais attendre un peu, je vais laisser mourir la douleur d’être ici.

d’après la photo Big Foot du photoblog 16h12.com

Emotions de nuit

Dans la course effrénée du temps, je garde au creux des mes yeux la vibration du bleu, ces particules lumineuses qui captent notre ailleurs puis le laisse disperser, aveuglante séduction d’une cacophonie, autres étoiles explosant de solitude, juste avant de quitter l’orbite des amours terrestres,

quelque part vers les pôles, les âmes s’attachent boréales aux êtres humains, à celles qui prennent le temps d’être là, d’exister au milieu de cette nuit d’émotions.

d’après la photo Night in motion du photoblog Fellow Eskimo Photography

l’evanouissement d’une fleur

je ne sais plus si je t’ai jamais fait de cadeaux, je me souviens de rien tu le sais bien, tu m’offrais ton corps, tu aimais ma tendresse, j’avais ces gestes simples qui rassurent un quotidien, tu avais la fantaisie d’un bord de mer, je te faisais des plats de reine que tu dégustais lyriquement, ta parole et ta vie irrévérencieuse en choquait plus d’un, sauf moi, j’aimais vivre en liberté avec toi, tu respectais seulement les belles églises avec ton signe de croix quand on passait devant, notre vie coulait comme des nuages haut perchés dans les cieux, j’ai voulu pour une fois t’enivrer avec des fleurs, tu t’es évanouie de joie, à tout jamais.

d’après la photo Sitges : La calle se llena de flores du photoblog de Miradas de Paky

Je ne suis pas flou

je rêve, je fuis, je floue bleu, je ne suis pas fou, les tâches blanches gâchent mon cerveau bleu qui flotte, j’imagine, je mange l’air, je m’immisce dans le bleu, je ne suis pas fou, les bruits de l’automobile cahotent dans mon cerveau métal qui brille, je cris, je vise, je crime bleu, je ne suis pas fou, les balles d’à coté hurlent dans mon cerveau flou qui disparaît au-delà du bleu, je ne suis pas flou, je ne suis pas flou, je ne suis pas flou, je respire encore pour vous.

d’après la photo Old blue 2OO2 du photoblog chez Flawijn

la rouille du temps qui passe

J’attends un autre départ, le temps s’enfuit comme des copeaux de rouille, immobile à capturer le babillement de l’air sur mes rouages, je sais bien que le jaune brillant de mon voisin aveugle tout le monde, derrière c’est moi qui huile à lui donner un sens, je suis le grincement de ses pensées et le rimmel de se pavanes arrogantes.

d’après la photo As time goes by du photoblog Lost in Shots