Photo du jour le 17 mai 2012

Je suis toujours ému quand je reviens à Rouen,quand je vois l’usine, quand je sens la flamme, mes mains tremblent, mon corps se souvient, ma vue se trouble, le travail était rude, exténuant, horrible, mais je l’aimais, j’aimais cette peur d’y aller, le risque quotidien, parfois minute par minute l’angoisse qui monte, la mort qui rode autour de cette flamme au-dessus de nous, le patron avait beau dire et avait beau promettre le risque zéro, personne n’était dupe et nous étions solidaires, la peur nous soudait au-delà de toute autre considération, alors l’usine et les environs sont moches, alors l’usine est critiqué par tous, même au-delà des écologistes, alors l’usine nous a tous détruit un peu, beaucoup, à la folie, mais nous l’aimions notre usine et nous l’avons défendu maintes et maintes fois, je me souviens de ce piquet de grève où l’on s’est rencontré et aimé pour la première fois, et maintenant j’apprends qu’elle doit fermer pour des raisons financières et je suis écoeuré, je viens pour me battre, je viens pour ne pas sombrer à nouveau dans la folie, je viens pour essayer d’oublier et tourner la page d’un passé resté tapi au creux de l’estomac.

d’après une photo de @monnalisa, photo du jour le 17 mai 2012 sur Webstagram

tomber amoureux d’une ombre

tomber amoureux d’une ombre
qui rythme mes pensées
par ses pas enlevés dans la nuit
ne pas vouloir la connaître
ne pas briser la magie
des gouttes d’eau qui rebondissent sur le sol
des sentiments obscurs
risquer de vivre l’heureux flou

d’après le photoblog My Rainy Days, inspiré de la photo Rythm of rain

les horizons perdus

il suffirait d’un pas
pour marcher dans le ciel
celui des horizons perdus
où savoir parler d’amour
aux nuages qui passent
et nous ignorent
n’est pas un rêve.

d’après le photoblog My Rainy Days , inspiré par la photo In the sky

Ce n’était pas ma destination

Ce n’était pas ma destination, toute la nuit avait été absurde, une errance idiote, pire qu’un rêve angoissant, je cherchais d’autres mots pour fuir ces phrases lancinantes qui m’obsédaient, presque sans fin, sauf lorsque les étoiles filantes faisaient leurs apparitions, alors je courais le plus vite possible, ce n’était pas ma destination, je marchais dans Montréal dans le noir sans avoir l’impression que cela puisse finir, c’était pourtant comme rêver en plein jour, les personnes et les objets se diffractaient à une allure fantastique, allant même jusqu’à se mélanger dans une sarabande menaçante, pire que l’angoisse de mourir, au-delà des peurs enfantines qui m’assaillaient chaque fois que j’apercevais au loin un chat noir au pas décidé, ce n’était pas ma destination, mes pas m’amenaient pourtant bien vers cet immeuble, je ne faisais que repousser de plus en plus fort l’approche finale, les détours n’y faisaient plus rien, je savais que ma maison était définitivement là.
3/3
d’après le journal de Montréal, inspiré de la photo Ref:275617

Photo du 13 avril 2012

C’est le moment de l’embrasser et l’hésitation est là. Nous avons marché dans la ville calme du dimanche. Nous avons parlé du collège, des copains et des dernières vidéos vues sur le net. Les silences timides ne duraient pas. Chacun s’employait, fébrile, à éviter ces blancs. On se plaît et chacun sait que l’autre sait… mais quand vient l’heure de la déclaration, l’appréhension grignote les certitudes. Elle m’a fait des compliments sur ma tenue et moi sur sa coiffure. J’ai vu ces joues rosir, à peine. Cela m’a ému. Nous avions fixé d’un commun accord le point d’orgue de notre promenade à deux, la première en dehors des activités quotidiennes: ce pont où à cette saison les fleurs et l’eau se mélangent avec sensualité. Alors que d’autres vont au cinéma ou au skate parc pour leurs rendez-vous amoureux, nous c’est la nature, une intimité hors de la ville. Elle aime les fleurs et moi le bruit de l’eau qui coule sous ce pont. Je ne sais plus quand je lui ai pris la main mais c’était doux de la tenir. Nous n’avons pas arrêté de sourire ou de rire, c’était chouette. Depuis que nous nous sommes accoudés à ce pont, un délicieux silence s’est installé et, miracle, nous sommes seuls. Elle s’est blottie contre moi à l’instant et je crois que c’est le moment de l’embrasser. Je m’approche avec lenteur de son visage en regardant la rivière, je fais durer, puis je me tourne vers ses lèvres en forme de fleur.

d’après une photo de @tee_gf, photo du jour le 13 avril 2012 sur Webstagram

il y avait des rêveries

Il y avait des rêveries qu’on ne maîtrise pas, quand je marche à l’aube dans Montréal vide et que je m’imagine dans une autre ville plus belle, plus sensuelle, plus lumineuse, les images se déroulent sans se superposer, je me vois à une fenêtre et le beau temps m’empêche de travailler, j’aimerais m’évader mais c’est impossible, les mots tournent en boucle dans ma tête, finir, danser avec son ombre, fuir une prison (oui mais laquelle), je me sens étouffer dans ces images qui cachent une drôle d’oppression derrière leur caractère enjoué, je marche à l’aube dans Montréal vide et gris sans savoir vraiment ce que je fais, j’hésite à me reconnaître quand un miroir se présente à moi, j’hésite à me houspiller de faire ci ou ça, je suis piégé, tout me piège et me contraint dans ces pas étrangement joyeux.
(1/3)
inspiré de la série le Journal de Montréal, d’après la photo Ref.274219

Photo du jour le 6 avril 2012

Comme une longue fête de famille, les retrouvailles ont été euphoriques, les embrassades et les nouvelles fusaient dans tous les sens, nous étions ivres de nous retrouver, les enfants sont partis tout de suite jouer sur la plage, leur excitation était belle à voir, l’apéritif fut moins frénétique, nous continuons à égrainer les petits faits du quotidien depuis la dernière fois, là des travaux dans la maison, ici le voyage en Grèce, ailleurs un nouveau boulot, puis les enfants fatigués ont commencé à nous agacé et le repas n’était pas encore chaud, quelques petites piques sont arrivées, la ritournelle connue des reproches, le vin coulait à flot et les esprits s’échauffaient un peu, les grands parents avaient beau calmer le jeu ou tenter de détourner l’attention, rien n’y fit, quelques belles vacheries étaient en préparation quand un enfant a fait une grosse bêtise qui a focalisé l’attention de tous les adultes contre lui, le bouc émissaire ayant été sacrifié, le calme est revenu autour du café et puis on a dansé, l’assemblée s’est dispersée au rythme des vagues, la musique s’est faite plus calme et plus discrète jusqu’au levée du soleil, les survivants sont allés en silence au bord de la mer pour admirer le retour de la lumière.

d’après une photo de @chloecyde, photo du jour le 6 avril 2012 sur Webstagram

Photo du 31 mars 2012

J’aime ces longs moments de réflexion, je m’allonge et je laisse divaguer mes pensées, je revois toute ma journée, parfois je focalise sur un détail, je réfléchis à certains mots entendus ou à une phrase lue, j’imagine les moments qu’on va partager ensemble, forcément trop court, quand je pense à ma vie je la vois en gris ou au mieux dans un sépia brillant mais jamais en couleur, ces petits boulots de rien qui ne durent jamais, ces amis distants qui ne comprennent plus ce que je suis devenue, notre amour discontinu qui ne mène de toute façon nulle part, le temps qui refuse de me sourire, qui refuse de me faire un clin d’oeil, même un  tout petit, qui refuse de passer tout simplement, je me sens capturée dans une éternité douce amère, il y a combien de temps que je n’ai pas ri?

d’après une photo de @yupik, photo du jour le 31 mars 2012 sur Webstagram