Palimpseste Souchon

Les mots sont là au ras des pâquerettes, tel un baiser sur le pont des arts qui s’enfuit Rive gauche pour éviter le mépris des Foules sentimentales, la musique swingue comme un carterpillar , danse folle pour regarder Sous les jupes des filles, atroce bye-bye à l’été, regret des maillots transparents, s’éclabousser dans la mer houleuse, rire c’est déjà ça, oublier l’icône James Bond qui tue tout le monde, fuir c’est déjà ça, et surtout ne pas passer notre amour à la machine, écrire c’est lancer des balles aux oreilles profanes, les délices de l’amour, c’est la vie montgolfière avec les filles électriques qui ne riment pas avec Arlette mais marmonnent avec toutes les stars crinolines, celles qui nous ont menti comme de vieux mots maudits hurlant le bonheur sans raison.

inspiré des paroles ou des titres des chansons d’Alain Souchon

micro-fictions

1/ C’est dimanche.

C’est dimanche! La radio crépite sa musique au lieu des habituelles informations. Germaine découvre parfois de nouveaux airs de classique. Perdue dans ses pensées musicales, elle laisse refroidir son bol de café posé tristement sur le napperon du dimanche. Qu’importe! Elle goûte le calme d’une rue vidée de ses voitures. Germaine aère sa chambre à coucher. Chouette! Pas de ménage aujourd’hui. Elle laissera sa couette toute la journée sur le rebord de la fenêtre. De loin, on a l’impression d’un balcon fleurie. Germaine fait minutieusement sa toilette et s’habille avec son tailleur clair. Chic! Elle adore être chic. Elle se parfume et vérifie son chignon avant de sortir. Aujourd’hui sa promenade sera différente, elle passera devant l’église qu’elle évite soigneusement tous les jours, pour se rendre à la Mairie. Germaine en rate jamais une élection même si elle ne comprend plus très bien la politique. Depuis plusieurs années, elle applique la même méthode: elle fixe intensément les photographies de chaque candidat ou candidate. Elle cherche celui ou celle qui lui paraît le plus franc et le plus honnête, quand elle n’arrive pas à se décider elle vote blanc. Devant la Mairie, elle a un petit coup de fatigue cette fois. Germaine s’assoie sur le banc et regarde passer les gens, les voitures, les oiseaux, les enfants et les nuages. C’est dimanche et pourtant tout semble si différent et soudain si pesant.

2/ 320 km/heure

Doucement plaqué contre le siège, je sens l’accélération. Le TGV Est fonce sans décoller. C’est mon premier voyage en train. Je devrais faire un voeu. C’est la première fois que je quitte l’Alsace. Je devrais faire un voeu. Je n’ai pas le coeur à faire des voeux. Je pars me soigner à la capitale. Mes yeux vivant s’imprègne des multiples reflets des paysages qui passent très vite, trop vite, comme la vie… Je découvre un ailleurs incertain, comme ma vie. Deux petits enfants sautent sur leur siège, cours dans les allés, dessinent trente seconde, avalent leursmarties et font une bise à leur père. Indifférents à la vitesse et à ce qui les entoure, les enfants sont tout à leur bouillonnement vital. Mon frère vit à Paris depuis qu’on s’est fâché après la guerre. On ne supportait pas de voir en l’autre notre propre lâcheté. Je ne sais pas quelle peur sera la plus forte, celle de son rejet, celle de mourir sans lui avoir parlé.

mélo profondeur

La voix frissonne sa douce tristesse
elle cherche l’assurance des instruments
la mélodie blues percute sur les doigts du guitariste
mélo mélancolie mélodrame mélo mélancolie mélodrame etc…
(air folk) (air rock)
la voix cherche note après note la joie d’avant
le disque danse sur la platine
course autour des mots à peine feuler
trop difficile à dire
trop peur
la voix se cache derrière les autres sons,
les guitares dévoreuses,
la percussion à peine présente,

trop
trop difficile
dire
la voix suspendue suggère avant que

d’après la proposition 188 de l’atelier d’écriture sur Marelle (08/06/2007):

L’espace d’un instant. La traduction la plus sensible, la plus immédiate d’une expérience, celle du quotidien, de la sensualité, de l’amour, de l’approche de la mort, de l’Invisible. L’expérience d’une écriture des profondeurs, dans une fragilité du poème.

(Appareils), Frédérique Guétat-Liviani, Farrago / Léo Scheer, 2002.


micro-fictions 3

1/ Chez le dentiste

Impossible de tenir en place. J’imagine ce que le dentiste est en train de faire à la jolie jeune fille avant moi. Elle n’est restée que quelques instants mais j’ai aimé sa mèche en bataille devant son visage penché sur une revue people. Elle était calme et souriait dans sa lecture. Puis l’assistante est venue la chercher. Son mouvement était léger et gracieux comme un oiseau qui s’envole. Je n’arrive pas à me concentrer ni sur Les Bienveillantes -que je dois absolument finir pour donner mon avis à mon beau-père- ni sur les hebdomadaires d’informations ni sur les magazines féminins. Je pense à ce boucher qui doit lui charcuter la bouche. J’ai mal pour elle, j’ai déjà mal pour moi. En plus, c’est long. J’entends d’ici le bruit de la fraise. Je sens que je vais me sentir mal. Le temps passe. Je regarde la pluie par la fenêtre. J’en ai marre. Je vais partir. J’ai trop peur. Je me lève. La porte s’ouvre. L’assistante entre accompagnée de la jeune fille en tenue d’assistante. « Désolé pour ce petit retard, le docteur et moi devions présenter le cabinet à notre nouvelle stagiaire. Nous sommes tout à vous maintenant. »

2/ Concert improvisé

Je suis bien assis. La guitare commence sur fond léger de batterie. Je regarde la basse se préparer en suivant la partition. La trompette détourne mon regard et emballe le morceau suivi de près par les cymbales. Le thème s’installe quelques mesures avant de commencer à se déconstruire. Le bassiste frotte et triture ses cordes grinçant une tension sourde à ce moment musical. La batterie se met à hésiter entre deux rythmes alors que la trompette s’étouffe. On se croirait en plein polar avec la guitare qui s’acharne sur deux accords. Silence. Puis la trompette reprend crescendo s’essoufflant toute seule. Tout doucement les autres instruments replacent le thème qui s’amplifie pour faire gronder les voûtes de ce petit caveau. Tout repars en vrille jusqu’à l’assassinat en règle par une batterie tenace et démultiplié. Silence. Je me lève après les applaudissements pour annoncer le titre: « mort du chanteur de jazz ».

3/ Mamie voyage

– Je vais être en retard. Ne m’attendez pas.
-…
– C’est la SNCF qui fait des siennes.
– …
– Cette fois-ci… et bien, ils n’ont pas trop précisé… si… c’est la locomotive qui est en panne.
-…
– Comme tu dis, je n’ai pas de chance. A chaque fois cela tombe sur moi!
– …
– Oui, je vais dormir à Lyon pour attendre ma correspondance de demain matin.
– …
– Non, ce n’est pas la peine que tu rappelles. Je vais me débrouiller. Non! J’ai l’habitude… puisque je te dis NON!
– …
– Excuse-moi, c’est l’énervement du retard… Tu trouves que c’est bruyant pour un train… comme un restaurant… et…bien… c’est la solidarité entre retardataires… La SNCF a distribué un casse-croûte et des boissons, cela discute dans une bonne ambiance… oui avec du vin, d’où le bruit de bouchon… la musique, un téléphone qui joue… un air de classique… tout le monde n’écoute pas du rap ou de la techno… écoutes, je te laisse, je n’ai plus beaucoup de batterie… c’est cela à demain.
– Il va falloir trouver une autre excuse pour la prochaine fois, mon amour. La SNCF a bon dos. A la tienne!

micro-fictions

1/ Indigestion

Dans la joie presque dansante de l’apéritif, je bois et je picore. Je parle et j’écoute. Les convives virevoltent. Je souris d’aise. Mes pensées vagabondent ici ou là. Mes yeux parcourent rieur l’assemblée. Le soulagement est sensible quand lesfêtards s’attablent. Les conversations se font feutrées et intimes. Le bruit des couverts est à peine perceptible. Les enfants tournent sans cesse les yeux vers la scène sans musiciens et l’étalage de cadeaux. J’empile les entrées et les plats principaux ne me résistent pas. Le buffet de fromage est un délice. J’engouffre les desserts plus par gourmandise que par appétit. La fatigue arrive soudain. L’alcool fait son effet. J’ai mal au ventre. Mon crâne devient lourd et brumeux. Encore une fois, je suis bon pour une digestion longue et pénible.

2/ Le café

Je tapote en rythme sur la table ronde du café. La tasse est à moitié vide. J’attends. Le livre de poche est posé avec le marque page qui dépasse. J’hésite. La lecture au milieu de toute cette agitation est un voyage plus doux que seul à la maison. J’ai l’impression de vivre deux vies en même temps. L’intensité du bar et des ses clients, la vibration des aventures du livres. Je ne lis que des histoires rocambolesques, de la science-fiction ou des romans d’aventures. Je suis le héros qui sauve tout le monde et brille de mille éclats. Seulement, j’attends que le café se remplisse. Pour l’instant c’est bien trop calme et cela gâche le plaisir de la lecture. Je ne comprends pas, d’habitude. La une du journal me rappelle soudain qu’aujourd’hui c’est férié.

3/ Amours métropolitains

Ils s’embrassent sans que les passages incessants du métro ne les troublent. A 8h00 du matin, ils prolongent la joie nocturne. Le couple frémit d’aise de voir le regard intrigué des passants courant après le métro. Ils ont l’allure d’un couple adultérin se faisant de dernières papouilles avant de retrouver la banalité du quotidien. Il est vrai que l’état de grâce dure. C’est sûrement parce qu’ils forment un couple recomposé. Ils dégustent leur amour avec le goût de l’expérience. Ils s’admirent sans illusions. Ils s’acceptent mutuellement mais sans concession. Depuis plus d’un an, le couple joue ce petit théâtre de leur bonheur donnant une raison d’y croire à une adolescente dont les parents se haïssent silencieusement.

micro-fictions

1/ La gare
J’attends devant le panneau d’affichage. Le brouhaha du retard résonne autour de moi. La foule est tendue d’impatience. Le ballet des hommes-valises s’est suspendu plein de menaces. Une petite fille rieuse serpente avec sa poupée, chatouillant les pantalons, les robes, les bagages et les murs. Elle sarabande une petite danse avec sa poupée en chiffon. L’annonce micro crée un raz de marée engloutissant l’enfant dans les escaliers. J’attends maintenant pour lui rendre sa poupée.

2/ Le train-1
Ses yeux ouverts ne regardent pas le paysage. Son visage est découpé de rides horizontales. Ses rêves ne sont que des soucis. La jeune femme noire ne voulait pas partir. Elle a pris très peu de bagages. Cela ne va pas duré longtemps. Elle repartira très vite. Forcement. Juste accomplir son devoir. Juste quelques euros pour la belle vie. Décidément elle est ailleurs. Son coeur et son âme ne sont pas partis. C’est tout juste si son corps traîne dans ce train. Bien rester refermer sur soi. Ne pas prendre le risque de ne pas pouvoir revenir. Son chez soi est malheureux mais c’est son chez soi.

3/ le train-2
Travailleur fatigué aux odeurs de chantier, il expie sa condition dans un sommeil sans repos. Il est affalé sans retenu sur les deux places de son côté. Quand le train s’arrête en gare, il sursaute d’angoisse et demande si c’est Strasbourg. On le rassure. Il marmonne un merci dans un accent difficile à déterminer. Son sac est grand et gonflé de protubérances. Démarrage sans avoir bouger d’un iota. Son corps ballote d’épuisement. La nuit tombe et le train continue. Il sursaute et demande Strasbourg. Toutes les dénégations le rassurent. Il tremble encore quand le sommeil le rattrape à nouveau. Le froid nocturne gagne le wagon. Il est le seul à ne pas se couvrir. Le train ralentit. Il sursaute. Strasbourg? Je lui fais signe que non. Prochaine? Non! Encore deux arrêts. Il respire. En montant les escaliers avec ma lourde valise, je regarde disparaître le train. J’ai peur pour lui.

4/l’arrêt de bus
Énervement et piétinement. Le bus n’est pas en retard mais il me tarde. La musique ouate mon cerveau de basses répétitives. J’oublie l’ennui sur les bancs de l’amphi. Mais il y a ces voitures, toutes ces phares qui passent et repassent devant. J’ai l’impression que tout le monde m’observe. Je piétine. Aucunes connaissances dans le flot automobile. Impossible de pleurer ma douleur, mon humiliation, ma haine. Les boucles électro de mon baladeur abritent ma rage. Je reste hypnotisé par le mouvement incessant des voitures qui entre en résonance avec la musique. Une portière s’ouvre devant moi et sans réfléchir, je monte.

5/le film
Mal assis devant ce maelström d’images, je suis fasciné. Laura Dern et son expression suspendue dans un malaise. Ce plateau de cinéma devient un lien incertain entre le tournage et une autre réalité. Est-ce la réalité ou un fantasme en trompe-l’oeil? Laura Dern est un spectre facétieux qui se cherche et se démultiplie d’identités en identités. Son visage n’est qu’une ampoule instable qui disparaît parfois dans le noir de la pellicule. Je me noie dans une mise en abîme impossible, rêve de cinéma qui rêve d’un cinéma qui regarde lui-même disparaître ses fantasmes dans un téléviseur qui montre Laura Dern essayant de sortir de son film ou du fantasme de film. Toutes ces images animées et sonores sont un kaléidoscope d’énigmes dont seul notre inconscient peut faire son miel, à notre insu. Nous ne sommes qu’un rêve de cinéaste.

d’après la contrainte 169 (ci-après) de l’atelier proposé sur la Zone d’Activité Poétique de Pierre Ménard.

« Ecrire une suite de courtes nouvelles, gouffres et bonheurs simples sous forme de micro-fictions, où s’enchaînent événements absurdes, souvenirs infimes, portraits savoureux, récits insouciants s’inscrivant dans les interstices d’un quotidien que l’on observe avec gravité et légèreté. »

D’après photo

recommence le regard blasé ballade sa flemme, l’image déstabilise l’indifférence, stupeurs et saisissements, les neurones dissolvent l’idée, la main frémit sur la peau de l’appareil, tourne tourne, tourne, genoux à terre, courses et sauts sur les bancs publics, sur les marches, sur les épaules, l’angle est la tempête du regard, le ravissement de l’intime, capture d’une plénitude quifait sens seulement pour soi, le clic relâche la parenthèse, le monde redevient chewing-gum, le corps laissé haletant tremble déjà des photos révélées dans le bain liquide, l’impatienceà faire battre le coeur, sarabande des rêves à achever

D’après la proposition d’écriture:

Expliquer son rapport à l’acte photographique, cette opération de la photographie, les interrogations qu’elle implique, et dans cette captation du réel, saisir ce qui fait face à l’objectif et le mettre en liaison avec le travail de la langue, dans un texte dont le rythme trépidant de la phrase qui se cherche, sinueuse, envahit l’espace et le révèle.
Plus d’explication et d’autres textes sur marellewiki à la page PhotoPoem