Regard enchainé

Je ne parvenais plus à rêver, ma tête vide promenait ses yeux dans un monde grisâtre, quelques visages qui passent ne rassure pas ma peur de solitude, je voudrais pouvoir oublier cette lumière, ce halo aveuglant qui m’empêche de revenir en arrière, la réalité n’était même pas insupportable, je ne sentais aucune culpabilité, simplement j’aurais tant aimé comprendre cet enchaînement qui enfermait définitivement mes pensées au point d’être pire que toutes les obsessions

d’après le photoblog caffeine+, inspiré de la photo Street Motion, Sapporo, Hokkaido, Japan, 2010

Lumière!

Je me suis évanoui ici, la musique des pas m’a éblouie d’un tempo trop lancinant pour mes pensées en désordre, des souffles inquiets et des percussions trop envahissantes sur ces murs froids, l’escalier vacillant m’a soudain bousculé et j’ai tenté de ne pas tomber, de lutter contre cette fatigue insidieusement permanente qui reprend le dessus, de m’accrocher aux silhouettes un peu flou qui sont devenu, avec brusquerie, silencieuses, et puis cette chute insensée vers le sol.

d’après le photoblog Caffeine+, inspiré de la photo Silhouette Sapporo, Hokkaido, Japan

Ma ville est vide

Ma ville est vide, ce n’est pas une explosion nucléaire ou autres catastrophes, ce n’est pas un jour férié, ce n’est pas l’heure creuse où tout s’absente sans qu’on ne sache pourquoi, ce n’est pas une évacuation préventive face à une intempérie majeure, ce n’est pas un montage, c’est mon crime qui m’enlève toute vie intérieure, la culpabilité efface toute présence humaine, une paranoïa poussé tellement loin que même mes yeux se jouent de moi, ce vide insensé visant à vouloir me faire basculer dans la folie alors que c’est aux autres de disparaître, ce serait si bon d’être le seul homme en vie avec tout à moi, pour moi et à cause de moi, devenir le maître du monde pouvant faire cesser tous ces sons absurdes qui ne font rien que contredire ce que je vois et ce que je veux, non, non, non, je ne peux pas penser sans le silence absolu.

d’après les photos de Matt Logue, inspiré de la photo Untitled #46 de la série Empty L.A.

Paysage en miette

Ma vie part en miettes, mes points d’ancrage se sont effrités et je suis devenu aveugle, ébloui par tant de violence alentour, tous ces mots acérés comme des rochers, je voudrais errer, prendre le temps d’apprécier le bleu si pur, écouter le calme du lac, appuyer sur pause dans ce diaporama blessant, la fin de notre amour, toutes les imperfections et les erreurs jaillissent du train train calme, sans compter les reproches claquant dans mon coeur pris par surprise et qui se serre, loin de tout comprendre, on dirait que les regards changent autour de soi et que tous approuvent la descente aux enfers… impossible de crier quand tout est parfait autour de vous

d’après les photos de Matt Logue, inspiré de la photo Mono Lake, CA

Plage en vie

Une pluie de mots bouscule mon corps plus sûrement que cet orage qui ne vient pas, trop immobile dans ma chaise, j’enrage d’être immobilisé, condamné à ne plus bouger, j’enrage d’être muet, condamné à ne plus parler, mais j’entends tout, vraiment tout, ce trop plein de sons, de phrases et d’infimes vibrations, me rend fou, alors j’aimerais me vaporiser en nuages noirs qui cribleraient les gens et les objets, tous si plein de vacuité, j’enrage de pouvoir, à peine, difficilement, poser mot après mot, ce qui transperce mon coeur, laissant mon corps perdu dans ces sensations et si avide de comprendre.

d’après le photoblog de Matt Logue, inspiré de la photo El Segundo, CA

Jeux graves

Nos jeux et nos folies s’entrechoquaient sans penser à demain jusqu’à ce que la ruine affecte peu à peu nos lieux de luxure laissant pantois ces objets si rassurants, notre vie belle, et nos corps trop légers dans les gravats s’évanouissaient tout doucement dans la lumière… parfois par beau temps il nous est permis de repasser quelques secondes, dans le rayon de lumière, damnation éternelle de voir la décrépitude inexorablement gangréner notre passé.

d’après la série « The Ruins of Detroit » de Yves Marchand&Romain Meffre, inspiré de la photo Ballroom, Fort Wayne Hotel

Musique désarticulée

Il y avait ces moments de grâce où assis devant le piano mes mains appuyaient sur la mélancolie des auditeurs, les larmes glissaient généreusement sur les visages de mes geôliers, je riais des sous-entendus et des aveux de ma musique, ma langue avait finis par ne plus me manquer, ils n’avaient pu m’arracher que cela, leur tortures et leurs humiliations n’étaient qu’un ersatz des bouleversements du monde fuyant sa ruine, les mots étaient devenus si vains face au désastre, il m’a fallu à peine quelques semaines pour les amener au désespoir, à cette rage de tout détruire autour d’eux et… j’ai souris en sentant mon corps se désarticuler sous leurs balles.

d’après la série « The Ruins of Detroit » de Yves Marchand&Romain Meffre, inspiré de la photo piano

Rêveries, encore…

Entre deux rêveries, je m’enfuis vers des souvenirs qui effraient par leurs imprécisions, ces photos qui évoquent des instants incertains, plus fugace qu’une goutte d’eau, de visages connus mais aussi distants que ces meubles qui m’entourent, un sourire, une silhouette, un sentier comme autant d’étranges suspensions dans mon cerveau, des ombres tranchantes qui attaquent les interstices de mon existence, me laissant épuisé pour longtemps.

inspiré du photoblog More Reveries, d’après la photo Joy is
Reveries 3/3

Lire en automne

Entre deux averses ce livre rongeait ma solitude, l’automne était ma période fétiche pour lire et vivre par cafard interposé cette nuit perpétuel en moi, tenter de détromper le flot de questions affluant quand l’hiver empêchait les distractions extérieures, la bière dégoulinait dans ma torpeur près d’un feu brulant, tisonné à blanc pour provoquer cette fatigue hypnotique et bienveillante du feu de cheminé, j’arrivais alors à ne plus penser et me laissant porter par ces suites de mots menant nulle part sinon à un sommeil pas trop cauchemardesque, la dernière gorgée de bière est la plus amère, sensation d’une vie longue en bouche, qui s’accroche

inspiré de la photo Beer and a book du blog More reveries.

(Reveries 1/3)

Mirage joyeux

Le sable brillait d’un halo tendre, nos rires crissaient plus forts que nos pas, on aimait se raconter des histoires de mers et de voyages, l’avenir était au-delà des océans avec force aventures et joyeuses surprises, quand il est apparu, on a cru le reconnaître, ses bras s’agitaient comme un signe d’amitié, une invitation, on a couru

il dansait sur la dune, il glissait avec classe, il virevoltait au milieu de la poussière du sable
… nous avons failli croire à l’arrivée d’un nouvel ami, nous avons failli croire à l’espoir retrouvé, nous avons failli croire en notre survie
… la civilisation à portée de regards
sans un cri … un souffle d’air a dissipé ce mirage joyeux

inspiré des photos de Pierrot Men, d’après la photo Sarodrano 1999