papier d’amoureux

Les mots d’amour ne se ramassent pas
Ils brillent dans l’air
suspendu à nos espoirs
trop intimes pour s’écrire
ils s’éparpillent à tout vent
nous laissant un air de douceur
à écouter l’un contre l’autre
l’écho de leur froissement
en traversant le jardin
moment si gracieux
que nous oublions
le baiser tant attendu

d’après l’exposition virtuelle « La photographie humaniste » de la Bibliothèque Nationale de France, photo Amoureux traversant le jardin du Luxembourg (Paris, 1962)

l’attente

une vie de banc public,
attendre
les pénibles, les fourbes, les indifférents,
les rêveurs, les dragueurs, les galopins qui grimpent partout,
les nourrices à poussettes, les amoureux qui s’embrassent toujours

une vie de banc public
entendre
les soupirs, les hurlements, les déclarations,
les pleurs, les banalités, les slurps,
le brouhaha grave ou le silence heureux

une vie de banc public
supporter
les grands, les frénétiques, les demi-fesses,
les faux-maigres, les envahissants, les sédentaires
les anorexiques, les vrais gros et les demi-portions

une vie de banc public
n’être jamais seul
même quand le parc est vide
car certaines âmes sont assises pour toujours
et le matin, vous pouvez les voir briller
elles frémissent de nouvelles rencontres
elles nous murmurent de jolis contes inconnus
elles nous chantent la nostalgie des corps

d’après le photoblog chambrenoire, la photo The wait

vitrine de noël

C’est sa faute
le père Noël qui n’existe plus,
elle m’a pétrifié de ses yeux
sa robe verte comme un linceul végétal voulait nous engloutir
nounours et moi
son corps brillant nous hypnotisait
cette sensualité morbide cherchant à survivre
devint une image obsédante
luttant contre l’engloutissement
ma main se heurte indéfiniment sur la vitrine
impossible caresse
qui me fait marcher toutes les nuits dans les rues saturées de fantômes
j’ai perdu mon nounours
j’ai perdu mon rire
j’ai perdu mon avenir

d’après la photo vitrine de noël du photoblog troisièmeoeil

voyageurs

corps qui s’effacent
ni tout à fait ici, ni tout à fait ailleurs,
êtres reflets
aimeraient déjà avoir disparu
parti ou revenu
aimeraient tellement savoir
pas assez léger pour s’envoler
pas assez lourd pour se toucher
aimeraient fuir la folie du jour
trop nombreux pour le rire
pas assez pour la panique
aimeraient ne pas choisir
êtres voyageurs
corps qui n’attend plus
enfin au-delà

d’après arrivée aéroport cdg du photoblog troisieme oeil

Les yeux acides

L’acide a brûlé ce paysage
Dans chaque trait, il reste à peine
le reflet d’une ombre disparue
L’image a meurtri le métal
Dans chaque brûlure, il reste à peine
le reflet d’un souvenir

Le lointain s’efface
la brume gomme la vie
Elle oublie les hommes
L’usine se moque des champs
chaque fumée aspire les fragiles brins d’herbe
le paysage se dilue

mes yeux ont brûlé sous l’action de la pollution
mais il reste chaque fibre de mes mains
pour tracer dans la matière
les images qui disparaissent peu à peu
et les bruits s’amenuisent autour sans que je sache
si je n’entends plus ou si je suis seul.

d’après Le Monde expire… du photoblog chambrenoire

vague à l’âme

ma peau est une écorce translucide
fragile comme un nuage
qui refuse toute lumière
son coeur noir soupire
il y a toujours de l’espoir
sa solitude blanche est une vague
qui n’attend plus rien
le gris s’effilochera
déchiré par les branches humaines
respirer encore
à plein tonnerre
l’épaisseur du monde.

d’après la photo Waves of cloud du photoblog chambre noire

Ma prison sépia

Je pense aux couleurs
je cherche des mots
Je marche dans l’oubli
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je pense parfois être enfermé
Je cherche le son de ma voix
Je marche dans une image sépia
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je pense parfois aux fous
Je cherche le goût de mes repas
Je marche sur un pont sans paysage
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je pense aux barreaux de la fenêtre
Je cherches les plaies sur mon corps
Je marche sur une ombre
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je marche dans ma prison
il faut des mots
pour regarder son voisin
mourir de ne pas mourir

D’après la photo Prison du photoblog chambre noire
(dernier texte d’une série inspirée de ce photoblog)

Traverser le miroir

Depuis trop longtemps le miroir m’intimide, je reste de l’autre côté du guet, depuis trop longtemps je ne vois plus les couleurs, je me suis évanoui dans la blancheur lisse, depuis trop longtemps j’aime la transparence, j’avance sans points de reflets sur la glace, depuis trop longtemps je suis confortablement invisible, je regarde avec stupeur surgir les aspérités, depuis trop longtemps ces rochers alourdissent mon âme, depuis trop longtemps l’espace est vide, j’entends craqueler la banquise de mon univers, depuis trop longtemps le feu des doutes voudrait que je traverse, depuis trop longtemps je ne veux plus tourner en rond, je marche en découvrant l’écho de mes mots…

d’après la photo ….. du photoblog Chambre noire

deuxième texte d’une série inspiré de ce photoblog

Ombres d’enfance

Les feuilles chantent mes peurs
l’enfance qui panique devant les ombres
elles ne s’envolent pas
reflets coupant qui cachent des monstres
toutes ces menaces repoussées par des cris
le couchée de soleil, c’est l’horizon des incertitudes
soudain n’être plus nulle part ailleurs
qu’avec sa solitude de tout petit enfant
et le silence des silhouettes métalliques

d’après la Photo Shadows du photoblog Chambre noire

premier texte d’une série inspiré de ce photoblog

huit envolé

Non, je ne suis pas un ange
Juste un huit qui a un âme
On me croit infini
alors que je voudrais juste
m’envoler
respirer une fois
la vie des cieux
pour ici
transmettre son mystère.

d’après le huit envolé de Corinne Mercadier

(début d’une série inspirée par cette photographe, découverte grâce à Marelle)