voyageurs

corps qui s’effacent
ni tout à fait ici, ni tout à fait ailleurs,
êtres reflets
aimeraient déjà avoir disparu
parti ou revenu
aimeraient tellement savoir
pas assez léger pour s’envoler
pas assez lourd pour se toucher
aimeraient fuir la folie du jour
trop nombreux pour le rire
pas assez pour la panique
aimeraient ne pas choisir
êtres voyageurs
corps qui n’attend plus
enfin au-delà

d’après arrivée aéroport cdg du photoblog troisieme oeil

Les yeux acides

L’acide a brûlé ce paysage
Dans chaque trait, il reste à peine
le reflet d’une ombre disparue
L’image a meurtri le métal
Dans chaque brûlure, il reste à peine
le reflet d’un souvenir

Le lointain s’efface
la brume gomme la vie
Elle oublie les hommes
L’usine se moque des champs
chaque fumée aspire les fragiles brins d’herbe
le paysage se dilue

mes yeux ont brûlé sous l’action de la pollution
mais il reste chaque fibre de mes mains
pour tracer dans la matière
les images qui disparaissent peu à peu
et les bruits s’amenuisent autour sans que je sache
si je n’entends plus ou si je suis seul.

d’après Le Monde expire… du photoblog chambrenoire

vague à l’âme

ma peau est une écorce translucide
fragile comme un nuage
qui refuse toute lumière
son coeur noir soupire
il y a toujours de l’espoir
sa solitude blanche est une vague
qui n’attend plus rien
le gris s’effilochera
déchiré par les branches humaines
respirer encore
à plein tonnerre
l’épaisseur du monde.

d’après la photo Waves of cloud du photoblog chambre noire

Ma prison sépia

Je pense aux couleurs
je cherche des mots
Je marche dans l’oubli
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je pense parfois être enfermé
Je cherche le son de ma voix
Je marche dans une image sépia
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je pense parfois aux fous
Je cherche le goût de mes repas
Je marche sur un pont sans paysage
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je pense aux barreaux de la fenêtre
Je cherches les plaies sur mon corps
Je marche sur une ombre
Je ne sais plus rien
Je marche invisible pour mes yeux

Je marche dans ma prison
il faut des mots
pour regarder son voisin
mourir de ne pas mourir

D’après la photo Prison du photoblog chambre noire
(dernier texte d’une série inspirée de ce photoblog)

Ombres d’enfance

Les feuilles chantent mes peurs
l’enfance qui panique devant les ombres
elles ne s’envolent pas
reflets coupant qui cachent des monstres
toutes ces menaces repoussées par des cris
le couchée de soleil, c’est l’horizon des incertitudes
soudain n’être plus nulle part ailleurs
qu’avec sa solitude de tout petit enfant
et le silence des silhouettes métalliques

d’après la Photo Shadows du photoblog Chambre noire

premier texte d’une série inspiré de ce photoblog

huit envolé

Non, je ne suis pas un ange
Juste un huit qui a un âme
On me croit infini
alors que je voudrais juste
m’envoler
respirer une fois
la vie des cieux
pour ici
transmettre son mystère.

d’après le huit envolé de Corinne Mercadier

(début d’une série inspirée par cette photographe, découverte grâce à Marelle)

Rage de mots

Je cherche la connexion des mots qui brilleront de mille feux,
je cherche la rage des phrases qui changeront les rires
je cherche l’ombre des verbes qui descilleront l’émotion
je cherche l’orage de mots qui défigurera enfin les apparences
je cherche l’or des verbes qui coulera d’un vrai scintillement
je cherche la vie des phrases qui respirera un peu de la fragilité
je cherche l’explosion des verbes qui intimeront le rire au tonnerre
je cherche l’entrelacement des mots qui froisseront l’intimité
je cherche l’abîme des phrases qui s’enfuiront plus loin que les ténèbres
je cherche l’idée des mots qui découvriront la crise joyeuse du voisinage
je cherche la phrase qui n’oubliera rien de son auteur
je cherche le verbe qui ne se brûlera pas que de mots
je cherche le mot qui ne se dénudera que pour la phrase.

d’après la photo neurons du photoblog m.bevers

Sous l’exposition

accepter les regards
cette sur-impression des regards
ces sourires ou ces dépits des regards
ces formes étranges qui m’entourent sans regard
tant de choses incompréhensibles comme ces deux visages privés de corps
tant de choses qui me manquent, des regards

il est loin le paradis perdu de l’atelier
où je m’ennivrais d’un seul regard amoureux
ses gestes sur moi bouleversaient mes pensées
il se cherchait en moi
transformant sans cesse mes couleurs, mes formes, mon horizon
un jour il a crié sa jubilation
il m’a manqué les larmes

Tout est figé dans une triste grisaille
les voyages soupirent de tristesse
Je sens ma vie s’effacer sous le poids des images
Ne restera-t-il un jour qu’un reflet de moi sur l’improbable fenêtre d’un collectionneur?

d’après Sous l’exposition de Liminaire: le Bloc-Note de Pierre Ménard

Prison de l’oeil

Mon regard ignore les détails
Les grillages de mes pensées emprisonnent ma vue
Je n’etends plus les images chanter
Mon regard ignore la douceur
Les couleurs de mes humeurs se mélangent
Je ne perçois plus la caresse du pinceau
Qui me dessine?
Mon regard ignore l’inconnue
Le mur de mes paupières refusent de la dévoiller
Je risque la folie à fixer le point aveugle
à m’abimer dans cet espace incertain
où l’oeil est sa propre cage noire
Les images m’absorbent et me rejetent hors de moi
Je ne peut être un autre
condamné à observer de l’autre côté
le rouge construit brique après brique
l’impalpable barrière
entre moi et la vie

d’après la photo Protected Wall du photoblog Photographic Odyssey

les trois éléments

Avant il y avait la mer, la vie
Maintenant il y a la rouille, la décomposition
Avant il y avait l’agitation, la joie
Maintenant il y a l’immensité, le vide
Avant il y avait les jeux, les conversations
Maintenant il y a les galets éparpillés, les rafales démentes
Avant il y avait les fremissements de l’eau, les éclaboussures ivres
Maintenant il y a les ondulations froides et menacantes du sable, les nuées ardentes du désert

Avant il y avait le ciel bleu, ta lumière
Maintenant il y a le gris infini, ton absence
Avant il y avait ton baiser débordant, ton rire tendresse
Maintenant il y a ta disparition, ton souvenir.

d’après Three Elements #1 et #2 du photoblog chromasia