Atelier d’écriture Hiver 2018-2019 F. Bon, proposition 8

1/ Le bateau Saudade
Perclus de tristesse, Joâo a fabriqué avec ardeur et planche par planche son bateau-cercueil. Son amour de jeunesse est mort emporté par une grande vague et enterrée dans l’indifférence. Joâo n’a pas pu le supporter. Cette indifférence. Lui le berger tendre qu’elle avait aimé contre la meute villageoise. La Saudade, maintenant il sait, il le vit encore plus fort qu’en écoutant un fadista. Se souvenant des récits de son grand père pêcheur, Joâo a construit son bateau, mit de l’audace dans les couleurs et laissé un maigre indice en peignant le décor de la proue. Lui et ses brebis. Une nuit, le vent a emporté au large Joâo et son bateau. Disparu dans l’indifférence. Lui aussi.

2/La plage
Ce vent, entêtant et agaçant mais surtout enivrant et joyeux comme l’écume des vagues. Marcher longuement sans se fatiguer dans ce décor presque immobile -le sable bouge, la dune se recompose sans cesse au loin, les vagues vont et viennent donnant du rythme à mes pensées, je suis assis pour dessiner, inattendu ce couple au loin, ils s’embrassent furtivement comme s’ils avaient peur de leur amour, ce magnifique bateau portugais leur fait pourtant un bel écrin, l’homme seul se met à chantonner en espagnol, un air qui ne m’est pas inconnu. Drôle de dessin pour cette balade.

3/ La meilleure copine
– Je crois que tu ne me dis pas tout
– Quoi?
– Ce fin sourire, triste et joyeux en même temps. Je le reconnais entre mille
– N’importe quoi!
– Tu l’as embrassé cette fois? Il t’a embrassé? Si, si, ne tourne pas la tête, je sais que vous vous êtes embrassés. Dis-moi. C’est sérieux cette fois?
– Je ne sais pas encore. C’est un rêveur mais il a l’air tendre et gentil. Pour une fois que je ne suis pas attiré par un gars bizarre.
– Il ne parle pas beaucoup quand même. Ça c’est déjà bizarre, non?
– …
– C’est vrai qu’il est mignon avec ses cheveux blonds ébouriffés
– Tu serais pas jalouse?
– …
– C’est ça. C’est bien ça! T’inquiète pas. On restera bonne copine même si je sors avec lui. Je ne t’oublierais pas cette fois.

Issu de la proposition 8 de l’Atelier d’écriture Hiver 2018 – 2019 de François Bon

Atelier d’écriture Hiver 2018-2019 F. Bon, proposition 7

Je m’installe dans la véranda, un livre de poésie et mon Ipad. Derrière les lamelles du store, le jardin change un peu au fil des saisons. De là où je suis, je vois surtout le gazon, la haie et le petit cabanon en bois. Je lis quelques vers de poésie, un recueil acheté ou emprunté à la bibliothèque. 10, 15 ou 20 textes. Parfois une petite tasse de café à proximité. La lumière douce dans la véranda fait un cocon nuageux et silencieux. J’ouvre mon appli dédiée aux notes et je commence par écrire un petit poème à partir d’un mot glané dans ma lecture du jour ou d’avant. Je regarde le ciel en attendant les associations d’idée. J’ai ajouté un clavier à mon Ipad pour écrire plus vite car j’arrive à écrire tout en regardant l’écran. Je suis le rythme de mes pensées. Le silence est indispensable pour cette fluidité, pour que les images arrivent et que le texte coule sous les doigts. J’écris sur cette table ronde pleine de souvenirs heureux et malheureux. Quelques plantes nappent la véranda et profite de l’effet de serre. Bien qu’ouverte, l’armoire berger a bien des secrets. Certaines fois, je suis devant le grand écran de mon ordinateur avec un mur blanc et un tableau où autour d’une silhouette à peine esquisse surgit une citation « le poète éperdu… », sur la droite c’est la rue principale du lotissement que je surplombe du premier étage. Peu de circulation pendant la journée, juste un balai de voitures aux heures d’embauche et de débauche, quelques distributeurs de prospectus et sinon du gazon et des volets souvent à demi-fermé, quelques beaux arbres à regarder, je vagabonde entre deux moments d’écriture, entre arbre, gazon et nuages, un chat qui passe, il me faut parfois me lever pour remplir la tasse de thé quand je commence à avoir froid à force d’être immobile devant mon ordinateur, quelques revues et petits penses-bêtes sont éparpillés sur mon bureau, la bibliothèque à gauche cherche désespérément son classement, certains livres sont là pour être saisis régulièrement d’autres sont cacher par une carte postal où un mail-art, je me lève juste avant la fin pour marcher et laisser décanter les mots de la fin qui planent autour de moi, je vagabonde entre la véranda et la cuisine, jusqu’à me rasseoir à nouveau pour ajuster la dernière phrase.

Issu de la proposition 7 de l’Atelier d’écriture Hiver 2018 – 2019 de François Bon

Atelier d’écriture Hiver 2018-2019 F. Bon, proposition 6

Dans la vie, il faut toujours se fier à son nuage personnel, celui qui ne vous abandonne jamais même dans les pires moments, il vous suffit de lever les yeux vers le ciel et tout de suite sa forme et sa blancheur inimitable vous apaise, ce moelleux feutré vous donne envie d’embrasser tout le monde autour de vous, son flou changeant appelle ce sourire que personne ne comprend dans un monde carré, net et efficace, en quelques instants votre esprit s’allège des contingences, de la violence, des mensonges et autres vilénies environnantes, vous flotter en domptant les vents et les tumultes atmosphériques, votre nuage personnel s’assombrit parfois à l’approche de nuages belliqueux ou fourbes, quand il pleut vous comprenez que la méfiance est de mise et redoubler de vigilance, si l’orage vient vous savez qu’il est temps de vous enfermer à quadruple tour dans votre doux nuage noir, certains vous trouvent versatile, trop sensible à la météo, pardonnez leur car ils ne connaissent pas les dessous des nuages, si moelleux et si belliqueux.

Issu de la proposition 6 de l’Atelier d’écriture Hiver 2018 – 2019 de François Bon

Atelier d’écriture Hiver 2018-2019 F. Bon, proposition 5

Apparu après une tempête, le bateau était posé en plein milieu de la plage. Personne à bord. Juste ce nom prémonitoire Saudade. C’était l’un de ses petits bateaux à voile portugais avec le proue élancée et décorée. Le dessin élimé par la mer représentait un paysage de montagne avec un troupeau de brebis. C’est beau ce que tu chantonnes m’avait-elle dis en arrivant… j’aime cette mélancolie… je reviens toujours au Sud, à l’amour, simplement l’amour dit si bien ta chanson… Vuelvo al Sur! pourquoi restes-tu toujours si lointaine même quand ton visage est posé sur mon cœur? avais-je esquissé à son arrivée furtive… le vent vient de si loin dit-elle… j’aime marcher et rêver face à l’océan… ton regard s’enfuie au loin et je ne sais plus avec qui je suis… Embrasse-moi, me dit-elle dans un souffle hésitant. Rêver plus tard de ce baiser furtif, de marcher main dans la main, de s’allonger pour regarder les étoiles et s’endormir enlacés… alors qu’elle est partie.

Atelier d’écriture Hiver 2018-2019 F. Bon, proposition 4

Sous les nuages fuyant, ce bateau restait immobile. Une presque épave. Comme un premier amour brisé. Plus aucune brise, ni Alizée, ni vent, ni même une tempête n’arriverait à le faire bouger. Fier de lui, le bateau admirait son reflet dans l’eau et dans le ciel. Selon la météo, il était à peine visible comme s’il voulait disparaître et pourtant il attendait, il attendait patiemment, il attendait son heure, il attendait le retour, il attendait mon retour.


Apparu après une tempête, le bateau était posé en plein milieu de la plage. Personne à bord. Juste ce nom prémonitoire Saudade. Port d’attache Aveiro (Portugal), et le numéro A-6969-AL. C’était l’un de ses petits bateaux à voile portugais avec le proue élancée et décorée. Le dessin élimé par la mer représentait un paysage de montagne avec un troupeau de brebis. Il n’y a pas eu d’appel de détresse. Aucun corps trouvé sur la plage. J’ai fait appelé la capitainerie d’Aveiro. Aucun bateau à ce nom et avec ce numéro. La photo ne leur a rien dis non plus. Peut être un bateau pirate. Il était vide de tout indice.


La plage est un espace merveilleux pour marcher et rêver face à l’océan et au ciel toujours différents. Regarder au loin. Imaginer l’ile de Java, les rivages de la Floride, l’arrivée au port d’Athènes. Devenir oiseau pour survoler la coté et se laisser emporter par le vent. La nuit s’asseoir en attendant son rendez-vous. Se dire que peut être une histoire va commencer, que la solitude s’effacera enfin. Rêver de ce baiser furtif, de marcher main dans la main, de s’allonger pour regarder les étoiles et s’endormir enlacés.


Ecrire la mélancolie, c’est compliqué. Le sentiment est indéfinissable, parfois douloureux, parfois agréable. Il est beau le mot en portugais. Saudade. Si ambigüe. Je préfère décrire une ambiance, laisser s’installer la situation en l’abordant sous différents angles. L’amour laisse toujours des traces indélébiles même quand il est heureux… on garde en soi ce sentiment d’euphorie douce et d’éternité. La rupture casse et nous laisse à part, comme une île, comme le dit si bien la chanson.

Atelier d’écriture Hiver 2018-2019 F. Bon, proposition 3

À l’Univers entier, Louis Delgres vous adresse le dernier cri de l’innocence et du désespoir. Victimes de quelques individus mal intentionnés, une foule de citoyens, toujours fidèles à la patrie, se voient menacés de mort.
Alors chère postérité, accorde une larme à nos malheurs, et nous mourrons satisfaits !
Vivre libre ou mourir, tel est notre crédo.
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– Selon la première version, Louis Delgres était une idéaliste fou et beau parleur qui galvanisa son bataillon jusqu’à la rébellion et mourut joyeux en martyr

– Selon la deuxième version, Louis Delgres avait été l’amant de l’Amiral Richepance et voulu ternir son image après leur rupture. Louis Delgrès voulait vivre librement avec son amiral ou mourir.

– Selon la troisième version, Louis Delgres était un chef ombrageux et lunatique en proie à de nombreux délires. Il avait des visions liées à une consommation excessive de rhum et d’autres drogues. Tantôt il voyait arriver les bâteaux du Roi de France et faisait tonner le canon contre une mer vide, tantôt il voulait se rendre pour éviter le massacre des guadeloupéens innocents. La rumeur dit que le suicide collectif serait plutôt dû à une fausse manipulation de sa part.

– Selon la quatrième version, Louis Delgres n’est pas mort mais qu’il continue de hanter les terres guadeloupéennes et inspirerait rébellion et désir d’indépendance auprès de certains. Il serait devenu un soukounyan dont les murmures persuasifs s’entendent à coté des Fromagers, ces arbres aux esclaves… Mourir et vivre libre en fantôme.