Même si le cadre juridique de la DADVSI est pour l’instant trop contraignant pour espérer proposer facilement de la musique sous forme numérique, il ne nous dispense pas d’y réfléchir et d’explorer les possibilités dans ce domaine. Je complète ici un courriel diffusé sur discothecaires_fr.
Ce qui semble totalement exclu pour l’instant: proposer soi-même le prêt de fichiers sonores à partir de nos collections.
Louis Burle de la Médiathèque de l’Agglomération Troyenne a fait vain en 2005 le tour des plateformes légales de téléchargement musicales soit il n’a pas obtenu de réponses soit les conditions financières proposées sont inenvisageables pour une médiathèque. Dans l’état actuel, il est peu probable que même un groupement d’achat sous l’égide de CAREL puisse obtenir des tarifs supportables par les collectivités locales. Troyes a donc fait appel à iThèque, une plateforme canadienne qui propose pour l’instant un catalogue limité à des labels indépendant et qui comprend Naxos. Ce qui est déjà un bon début. D’autres grandes bibliothèques comme Montpellier se lance aussi dans l’aventure.
Si nous voudrions le faire nous même, il faudrait démarcher et négocier maisons de disques par maison de disques car le SFPP (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France) n’a pas de mandat pour établir des contrats concernant le téléchargement.
Ce qui semble envisageable: l’écoute musicale d’une liste de morceaux sur le site internet de la médiathèque, le streaming et le podcating.
Musiques libres et domaine public
Nous avons en premier lieu les musiques libres et tous les artistes qui sont dans le domaine public. Comme l’a souligné Eric Aouanès, le président de l’Association Musique-libre.org qui gère Dogmazic, musiques libres ne signifient pas gratuité mais l’absence d’obligation de passer par la SACEM. Il est nécessaire de contacter les artistes pour leur demande l’autorisation d’un usage en médiathèques publiques (téléchargement ou CD gravé à partir du fichier numérique) et de proposer une rémunération. La difficulté pour les bibliothèques sera de pouvoir effectuer un paiement dans un cadre administratif.
Musiques gérées par les sociétés de gestion
Pour tous les autres cas de figure, nous avons deux interlocuteurs à contacter: les producteurs via la SFPP et SESAM ou la SACEM selon les cas de figures.
Le podcasting ne possède pour l’instant pas de statut juridique clair donc on peut tout à faire envisager de la proposer directement sans autorisation. Cependant le prudence voudrait que les bibliothèques musicales le proposent plutôt en même temps qu’un autre mode de diffusion pour lequel elles auront les autorisations ad-hoc. En tout état de cause, il faut suivre de près l’évolution du statut de podcasting car la SACEM semble se pencher sur le dossier.
Du coté des producteurs
Pour l’écoute et le streaming, nous pouvons nous adresser à la SFPP pour obtenir une autorisation globale des producteurs mais tous n’y sont pas affiliés et cela demande d’interroger systématiquement leur base de données avant de diffuser un morceau… Les conditions financières ne sont pas affichées sur leur site internet et il faut leur envoyer un email afin d’avoir des informations dans ce domaine.
Du coté des auteurs ou interprètes
En revanche, nous avons une idée précise des types d’autorisations et des conditions financières concernant la rémunération des auteurs et des interprètes via la SESAM ou la SACEM.
Sur le site de la SACEM qui renvoie au site de la SESAM pour ces questions, le fonctionnement est simple et pas hors de prix. Les conditions préalables sont claires: le site ne doit pas ni générer de recettes financières ni proposer le téléchargement, ni dépasser 100 oeuvres en écoute par mois. Ensuite il y a deux tranches de tarifs: de 1 à 10 oeuvres en écoute, 10 Euros HT puis de 11 à 100, 100 Euros HT. Si vous dépasser les 200 000 pages vues par mois, il y a un complément à payer. Cependant, la SESAM n’autorise que l’écoute de 45 secondes ou 20% du titre musical… Tous les trois mois, vous devez déclarer les titres mis en écoute. Toutes les infos ici:
http://www.sesam.org/enligne/associatif.html
Ce qui veut dire que pour moins d’un disque par mois sur votre budget, vous pouvez faire écouter 10 titres sur votre site web et pour environ 6 titres par mois, vous pouvez aller jusqu’à 100 titres. Je pense que pour un certain nombre de bibliothèques c’est tout à fait concevable d’amputer sans grand préjudice le budget d’acquisition de CD. L’idéal est de pouvoir obtenir un supplément budgétaire, même partiel, pour ce nouveau service…
Cela ouvre par exemple la voie à des pages proposant un parcours musical sur l’histoire d’un genre, d’un artiste, ou tout autres mises en perspective thématique de la collection. A l’image de la démarche de nos collègues de Dole (malheureusement sans écoute musical) sur leur blog:
sur les troubadours:
http://mediamus.blogspot.com/2007/02/les-troubadours-musique-franaise-2.html
et sur les fanfares:
http://mediamus.blogspot.com/2007/02/le-nouvel-essor-des-fanfares-en-france.html
Pour du streaming, il vous en coûtera 72,5 Euros par mois pour 100 000 pages vues par mois + 2,7 Euros par tranche de 100 000 pages vues par mois. Il s’agit de l’offre d’un flux musical continu sans téléchargement ni écoute à la demande. On pourrait s’en servir typiquement pour faire écouter ce que l’on indexe ou ce qui passe dans les espaces publics. Construire une offre de streaming plus élaborée serait l’idéal mais il faudrait dégager du temps… Plus d’infos sur le site de la SACEM cette fois:
http://www.sacem.fr/portailSacem/jsp/ep/channelView.do?channelId=-536880494&channelPage=ACTION%3BBVCONTENT%3B0%3B%2Fep%2FprogramView.do&pageTypeId=8585
Quelle ne fut pas ma surprise quant à l’offre de téléchargement? En effet les conditions énoncées sur le site de la SACEM sont les suivantes:
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Une redevance proportionnelle aux recettes réalisées, avec un taux de 12% ramené, à titre provisoire, à 8 % du prix HT payé par le consommateur. Elle est assortie d’un minimum garanti de :
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0,07 € par téléchargement et/ou écoute à la demande à l’unité
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0,70 € par téléchargement et/ou écoute à la demande d’un album dans la limite de 15 titres.
- Lorsque le service permet aussi un accès aux oeuvres sous forme de pré-écoute d’extraits, la rémunération mensuelle est de 100 € HT.
Je suppose que les extraits sont aussi limités à 45 secondes. Ce qui veut dire qu’en l’absence de recettes réalisées, nous sommes dans le minimum garanti. Pour 1000 téléchargements à l’unité, cela revient à 70 Euros et idem pour 100 albums téléchargés… Cela ne me paraît pas exorbitant.
http://www.sesam.org/enligne/droit_authorisation.html
La plupart des auteurs ont confié à une société de gestion collective, ou » société d’auteurs « , le soin de délivrer cette autorisation en leur nom en contrepartie de la perception des droits qui leur sont ensuite reversés. Ces sociétés se sont regroupées en France au sein de SESAM pour gérer spécifiquement l’utilisation des œuvres dans le multimédia (les supports tels que les cd-rom, dvd-rom, les sites Internet, Intranet…)
Les droits conférés par l’autorisation SESAM
« En respectant ces conditions et en payant le montant des droits, tels que définis ci-après, SESAM vous délivre une autorisation d’utiliser les œuvres des répertoires de l’ADAGP, de la SACEM et de la SCAM représentés par SESAM au titre :


Cette autorisation vous permet d’utiliser les œuvres (reportez-vous à la définition technique de chacune des œuvres que vous souhaitez exploiter) :


Les limites de l’autorisation SESAM
L’autorisation délivrée par SESAM ne vous permet pas d’apporter une modification aux œuvres que vous mettez à disposition ; le droit moral des auteurs reste expressément réservé. Si vous souhaitez modifier (traduire, adapter, arranger) une œuvre, vous ne pouvez le faire qu’avec l’autorisation des auteurs ou de leurs ayants droit, et aux conditions fixées en accord avec eux.
Enfin, outre l’autorisation de SESAM, il vous faut également obtenir l’autorisation des titulaires des autres droits que les droits d’auteur, non représentés par SESAM et qui pourraient être concernés par l’exploitation de votre site (par exemple les producteurs phonographiques si vous utilisez des CD du commerce, les producteurs des films si vous utilisez des films, etc…). Après vous être assuré que l’utilisation des œuvres faite sur votre site entre dans le champ des compétences de SESAM, il vous appartient d’adresser à SESAM les informations nécessaires à la délivrance d’une autorisation. »
En tout état de cause, il me semblerait important de pouvoir bénéficier d’un état des lieux par un juriste qui pourrait énoncer clairement ce que l’on peut faire et comment.
Est-ce que l’inter-association, les associations professionnelles ou le service juridique d’une grande collectivité pourraient le réaliser pour l’ensemble de la profession?
S’il reste des flous dans la DADVSI, il serait indispensable de bénéficier d’une évaluation des risques encourus si les médiathèques utilisent ces interstices pour offrir de la musique numérique.
La question me semble cruxiale pour l’évolution des services proposées par les bibliothèques musicales. Lors des rencontres nationales 2007 de Lille (19 et 20 mars), l’ACIM a eu plusieurs contacts avec des sites ou des labels indépendants qui envisagent de proposer aux bibliothèques l’option musique numérique en écoute ou téléchargement. Il est à parier que l’offre dans ce domaine devrait bientôt se développer au delà de iThèque même si la disponibilité du catalogue des majors ne semble pas encore à l’ordre du jour.