le visage sur la pierre

VisageDePierre

Ce visage en pierre ne m’est pas apparu en rêve, j’avais l’impression de le caresser sur ce mur, il lui manquait juste des contours et de la couleur, chaque jour j’hésitais, j’avais peur, j’avais peur qu’on se moque, j’avais peur d’attirer l’attention, j’avais aussi peur d’être déçu par mon dessin, car chaque soir j’essayais d’affiner ce visage mais les contours s’effaçaient dans ma tête et le flou l’emportait toujours, alors je ne pouvais plus me dérober, j’achetais les crayons gras et une nuit je suis venu la dessiner, je n’avais pas besoin de lumière, à partir des reliefs du mur le visage s’est matérialisé peu à peu, les noctambules ne faisaient pas attention à moi, j’étais déjà un fantôme et quand tout fut finis, je suis repartis sans regarder et j’ai attendu le lendemain, mon retour du travail, pour passer devant et la découvrir, depuis je souris tout le temps même si ce dessin éphémère n’en a plus pour longtemps, comme moi .

l’heure du thé

Pivoine dans une tasse calligraphiée à la japonaise

C’est l’heure du thé, j’attends sa visite. Il règne un doux parfum de fleurs créant un havre de paix alors qu’il fait mauvais dehors. Je suis impatient qu’elle arrive. Nos conversations futiles ou sérieuses s’enfilent comme un beau collier de perles. Elle a ses petits moments d’absence, le regard posé sur un nuage. Elle a ses petits sourires enigmatiques lorsqu’elle ne veut pas répondre à l’une de mes questions. Quand elle parle de son âge et de son Alzheimer , elle balaie d’un souffle mes dénégations. Il reste si peu de temps à notre amour, j’espère qu’elle ne sera pas en retard.

les mots tremblent

Etranglé par le doute
les mots tremblent
impossible de savoir
où glisse le chemin des phrases.

(journal des mots n°131 / 3 novembre 2012)

je suis flou et il suffirait de pas grand chose pour que je m’envole

Clé accroché à une clôture au bord de la plage

Dès que le temps le permet, j’enfile mes chaussures de marche et je vais traîner sur le chemin des douaniers. Les plages, les falaises, la côte sont toujours belles quelque soit la météo. Je marche longtemps mais je prends mon temps et je m’arrête souvent. Je regarde, j’observe, je m’imprègne, je voudrais me fondre dans le paysage, j’essaie désespérément de comprendre ce que j’ai sous les yeux, pourtant, tout s’échappe, tout s’enfuie et la mer change, se dérobe et résiste à toute approche. A la fin de mes balades désespérées, je flotte, je me sens ailleurs, je suis flou et il suffirait de pas grand chose pour que je m’envole. Des mots essaient de se poser et de s’accrocher dans ma tête, je reste à coté de toutes ces syllabes ou de ses phrases qui voudrait s’imposer, s’incruster et écorcher ma peau avec leur flot de questions, je ne peux pas courir, je ne veux plus me presser, je suis à bout de force, à bout de sens, comme si je ne pouvais attraper aucune clé qui se présente sur mon passage, l’interdit est là et fuir n’est plus possible, alors je saisis les bulles de savon et les couleurs de l’océan, et soudain je respire avec le souffle de poème qui se dépose au creux de mes mains plus doux que le baiser du matin et je sais vers où va le vent des mots.