Photo du jour le 24 août 2012: le coucher de soleil

Cela aura pu être la fin des vacances, si seulement elles avaient commencé, je venais de ramasser des kilos de fruits de mer pour les touristes, je faisais semblant d’être le roi du pétrole, d’être un oiseau qui s’envole, d’être comme tout le monde, en vacances, le coucher du soleil ne me faisait pas rêver, c’était le signal m’imposant de rentrer chez moi, je n’avais pas le droit de traîner en route, de jouer sur la plage, de parler à quelqu’un, je devais rentrer fissa point barre et sans oublier la paie, papa refaisait les comptes toute de suite en arrivant, il ne devait rien manquer sinon c’était la rouste illico presto, il n’y allait pas de main morte, puis papa partait, me laissant seul avec maman prostrée dans un coin, cela faisait des années qu’elle ne disait plus un mot, qu’elle fixait le sol, aucune expression sur son visage, je devais la forcer à manger, faire le ménage, me laver et il ne me restait plus qu’à me coucher, ce soir j’avais une pépite à savourer juste avant de m’endormir, revoir le coucher de soleil et le sourire de la petite fille que j’avais croisé tout à l’heure.

d’après la photo du jour le 24 août 2012 par @coro_coro et @luka04 sur Webstagram

quand les mots sont à croquer

Chocolat, maroille, gingembre
quand les mots sont à croquer
les papilles de frissons en délires
nous font perdre le corps.

(journal des mots n°108 / 8 juillet 2012)

la stupeur des mots bouleverse nos pensées

Hypnotisé par la lecture
Le stupeur des mots bouleverse nos pensées
Le crime est parfait
tant que nous ne pourrons pas nommer définitivement
ce que frôle la chimère.

(journal des mots n°107 / 2 juillet 2012)

Vases communicants : Nous avons trop pleuré – Franck Queyraud

Ponton au dessus d'une mer bleue

Nous avons trop pleuré. La vallée de larmes est devenue océan sur lequel aucun navire ne flotte. Pas de trajets possibles sur cette étendue qu’il convient dorénavant d’assécher par nos éclats de rires ; de remplir de toutes nos jubilations le fleuve qui coule en son centre ; de construire sur ses berges maisons sur pilotis ; de préparer barques, navires, vaisseaux pour nos explorations futures ; enfin de noyer, sans sommation aucune, les cyniques avec leur désespérante et inutile lucidité. L’écrivain n’est pas un de ces tristes sires. Il est plutôt cet intranquille qui cherche l’apaisement sur le bord du ponton du fleuve, cherchant son trajet des yeux. Sur la photo, il vient de plonger à l’instant pour connaître aussi le milieu où il va dessiner son chemin d’écumes. Et ce trajet est paradoxalement toujours le même et jamais le même. Trouver le trajet nécessite de longues flâneries au bord du ponton pour regarder le monde et… voir le monde. Tous les voyages sont possibles et les hommes ont besoin de lignes pour circuler, voyager, se promener. La ligne droite n’est pas forcément le meilleur parcours. Les zigzags des cimes des montagnes ? Un plus sûr moyen de trouver l’invisible. Le métier de l’écrivain est de créer ces lignes, ces routes et ces chemins ; de compléter les cartes ancestrales tracées pour garder mémoire des trajets. Et l’écrivain devient une sorte d’aborigène connaissant le chant des pistes. Impression qu’aujourd’hui, toute notre vision repose sur une cartographie de l’espace qui ne laisse plus la place à l’imprévu, au non-inscrit, à l’imprévisible. Nous avons trop pleuré et nous étouffons. Sur le bord du fleuve, heureusement, il y a toujours du vent, qui mènera barques, navires, vaisseaux vers l’océan ; qui lui, dans sa grande sagesse, ne proposera que son étendue et ses abimes, mais pas seulement que ces abimes. Et la vie ne ressemble pas à celle convenue du nageur olympique, contraint de suivre sa ligne en un temps record. Mirages. Les lignes ne sont-elles devenues que béquille ou guide moral ? Une fuite, une peur d’inspirer ou d’expirer. Nous avons trop pleuré… Maintenant, respirons…

Silence alias Franck Queyraud

Vase communicant avec Flanerie quotidienne

Vases communiquants