Mal à ma ville

J’ai le mal de ville
trop de boutiques, trop de bâtiments, trop de voitures
j’ai le cerveau au bord des lèvres
trop de bruits, trop d’odeurs, trop de contacts
je suis écœuré
tout devient flou, je me sens mal
il est trop tard
ne pas courir
ne pas vomir
ne pas s’évanouir
ne pas
non

d’après la galerie photo d’Elaine Vallet, inspiré de la photo Bruges-O

Histoire urbaine

Je ne veux pas disparaitre comme ces silhouettes qui passent (et trépassent?) devant mes yeux. Je marche, j’attends et je cherche une expression, un visage, un corps qui désire de la couleur. L’exubérance architecturale me fait plus vibrer que le pas pressé des passants. Je photographie discrètement à la volée dès que j’entends le cri de la ville.

J’aime ce temps suspendu où tout parait si limpide. La photo a capturé ce moment intime où je fais une rencontre avec la ville, avec quelqu’un, avec moi-même.  La fille au sac blanc cherchait son chemin. On s’est croisé. Elle arrivait et cherchait à mieux connaitre la ville. Son téléphone portable la reliait à son ancienne vie. La fille au sac blanc ne connaissait personne ici.

J’existais, je n’étais plus un corps errant, j’étais une âme joyeuse qui gambadait. Son visage avait changé. Enfin elle regardait la ville. Nous marchions comme deux étrangers visitant la ville, juste de passage et cherchant à enregistrer pour longtemps les moindres détails. Nous profitions de ces instants étranges où nous faisions connaissance.

Légers et euphoriques, nous avons pris de la hauteur. Vertige ou confiance, la femme au sac blanc m’a pris le bras quand nous sommes arrivés tout en haut. Immense et coloré, l’horizon nous rapprochait. Elle versa quelques larmes en posant sa tête sur mon épaule.

« Pourquoi, il faut partir? » a-t-elle murmuré.

Hormis le brouhaha de la ville, aucun bruit pendant de longues minutes. J’étais ému et désemparé au-delà de ce que j’aurais cru. Ce baiser a scellé un nouveau charme entre nous. Il y avait une harmonie dans l’air, une paix intense et impalpable entre nos corps noués. J’ai posé l’appareil photo qui nous a doucement saisi ensemble face à la ville, ombres contre couleurs.

Comme dans un conte, la journée s’est terminée dans ce restaurant fait d’alcôves intimes avec vue sur la rue et rue qui a vu sur nous. Ces balbutiements en public donnait une impression de sécurité à nos sentiments naissants alors que la salle nous isolait du reste du monde. Les ballets extérieurs et intérieurs étaient à peine un décor tant nous étions dans cette écoute sensuelle de l’autre. La façade du restaurant se mua peu à peu en calligraphie faite de mouvements abstraits où les voix s’effaçaient peu à peu. Le cercle des mots s’est refermé sur nos corps dans l’attente d’un plus tard. De tous les compliments, il ne me reste que ce haïku prononcé juste avant le silence du dessert.

« Repas en noir
pour l’ivresse
de tes lèvres en couleur »

Ce jour-là, j’ai perdu mon appareil photo.

d’après le photoblog Digital Guff, inspiré des photos: Street Photography Osaka: Shinsaibashi ; Over Kobe 4 ; Human Bento

Histoires lambeaux

J’écoute cette musique nostalgique, comme un gout d’été avec ces accords de guitare. Je marche sur la plage, les larmes se noient dans la mer. La solitude m’assomme comme une gueule de bois. S’enivrer à la folie de la solitude puis se réveiller avec le bouche pâteuse de tristesse. Musiques électriques lancinantes qui oppressent cerveau et corps. Marcher et marcher pour reprendre ses esprits et comprendre. Le cerveau se laisse laver par l’océan agité. Le bruit du ressac et du vent éveille les neurones qui pas à pas reconstruisent du sens. Le corps détendu accélère et se laisse aller à une danse vacillante sur le sable. Le sourire n’est pas loin.

Brouillard métallique

prendre la route sans conviction, je flotte dans ces matins brumeux, ces matins ni tout à fait les mêmes ni tout à fait différents, le goût amer du sempiternel café, toujours le même, chaque fois je traverse le pont, je suis saisis par le fol espoir -indicible- qu’il s’écroule, qu’une grande vague l’emporte, etc… et moi avec, la radio en fond sonore donne l’illusion que c’est un autre jour mais quand je rencontre un autre habitué du pont je perds davantage mes repères, je mere-perds, la coulée métallique des voitures m’emmène paisiblement de l’autre coté, puis la ville ré-apparait et je suis rassuré, je suis re-vivant, je vais au travail et c’est bien, c’est bien, c’est bien, dis-je au costume cravate posé sur le siège passager, comme pour le rassurer avant de l’obliger à me vêtir, et puis je ris de soulagement, chasser cette angoisse quotidienne qui me rend fou dans ceno-ame’s land entre la maison et le travail.

d’après le photoblog lucidtones, inspiré de la photo throg